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380 ODES ET POÈMES. chose de parfaitement inanimé, sans relation immédiate avec son auteur. La machine ayant été montée à l'origine, avait l'air de marcher depuis lors toute seule. Nous avouons qu'après une lecture de Psyché, et des Odes el Poèmes, on se figure autrement l'horloge. Elle apparaît comme le magnifi- que symbole de l'infini ; autour de son cadran se déroule en légende le nom sacré de Dieu ; des torrents de sève univer- selle coulent dans tous les rouages. L'horloge vit; le souffle de Dieu qui traverse éternellement la machine met lui-même en mouvement tous les cylindres et tous les ressorts, et, au sommet, la voix de l'horloge qui est celle de l'homme, se dé- gageant mêlée à ce souffle et toutefois distincte, mais de siècle en siècle plus harmonieuse et plus haute , révèle sans fin et toujours avec plus de clarté l'invisible auteur des choses. Nous parlions tout à l'heure du sentiment de l'infini si largement répandu dans la poésie de M. de Laprade, qu'on y ajoute le sentiment de la vie universelle de la nature et l'on aura la clef des deux principaux caractères de son œuvre, il inaugure ainsi une manière toute nouvelle de comprendre la nature. La nature ne dit plus seulement à l'artiste: admire-moi, décris mes magnificences; si tu souffres, j'ai des secrets asiles où je te consolerai, j'ai des brises pour essuyer les pleurs ; non, elle lui dit de plus : je suis le symbole de l'infini, comprends- moi; participe à ma vie, car la vie de Dieu me traverse aussi ; j'ai été créé à son image comme loi; pénètre-loi des rayons qui s'échappent de ma face. Ce que la nalure a surtout révélé à M. de Laprade, c'est l'affirmation du bien, c'est l'amour, principe et fin de tous les êtres. Cette affirmation est plus féconde qu'on ne le suppo- serait à première vue; M. de Laprade l'a pris pour fonde- ment de sa poésie ; c'est le dernier mot de Psyché, comme d'Hermia. Le poète ne se lasse pas d'y revenir; et partout il lit avec ivresse dans l'infini et dans la nalure cette doctrine de