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326                                 BIBLIOGRAPHIE.

Et toutefois, au milieu de ces préoccupations virgiliennes et des souvenirs qui
l'obsèdent, Vida se [forme une langue qui est bien à lui, malgré les hémis-
tiches visiblement empruntés, malgré des formes calquées sur le modèle. L'é-
crivain le plus distingué, à mon sens, parmi tous les modernes latinistes, le
célèbre Père Vanière, imitait aussi, et avait pu néamoins se reconstruire un
bel idiome avec les débris des auteurs anciens. Mais Vida n'a pas le poli
continuel, ni la constante harmonie, ni la richesse soutenue qui éclate dans
la Maison Rustique.
   Il allait trop vite, jetait et prodiguait les vers et les poèmes, mettant les
Echecs, le Bombyx, l'Art poétique, et des Hymnes, et des Eglogues, et des Odes à
coté de son grand poème sur Jésus-Christ, la Chrislias. On a cité de ce dernier
ouvrage un fort beau vers qui représente le Christ inclinant la tête, et exhalant
son dernier souffle :
                  Supremamque auram ponens capiit, expiravit.

Le fait est que ce vers est admiiable, mais quand Vida veut revenir à la
charge, cela ne lui réussit pas toujours. Sa versification, toute splendide, tout
opulente qu'elle est parfois, me rebute par le rocailleux et le heurté de sa
manière. Ce sont de perpétuelles élisions, ou des vers infidèles à la prosodie,
ou bien des enchevêtrements tels que celui-ci dans le Ver à soie, in perque
foratis,   pour inque perforatis.   Et puis, c'est le défaut du siècle, le chantre de
Jésus-Christ, l'évêque d'Albe, est païen d'imagination. Les souvenirs mytho-
logiques viennent glacer les plus belles inspirations que lui donne le christia-
nisme et le souille religieux du monde moderne. Ainsi, pour ne pas même
sortir du Bombyx, Vida, conseille-t-il de se mettre au travail avant l'heure
où le prêtre célèbre le sacrifice, vous aurez les dieux, et Cérès et Bacchus,
                                              Quum manc sacerdos,
                        Siuceram Ccrerem et Lenaîura libat honorem ;

mot à mot, « lorsque, au matin, le prêtre sacrifie une pure Cérès et la li-
queur de Bacchus, » tout cela pour désigner les espèces eucharistiques ! C'est
une ridicule    profanation.
   Vida consigna fidèlement dans son Bombyx ce qu'il y avait alors de plus
rigoureuses connaissances sur l'éducation du ver à soie, et nous ne sommes
guère avancés depuis le X V I e siècle. Tous les minutieux détails dans lesquels
il faut entrer ici, tous les soins attentifs qu'il faut y apporter, et l'active
surveillance dont le frêle bombyx veut être entouré dans toute sa carrière,
voilà autant     de sujets   qui défilent sous la plume de V i d a , et qu'il ex-
prime dans un langage élégant, imagé quelquefois, ingénieux assez souvent.
Quoiqu'il se complaise trop dans ses descriptions, il rachète par des scènes
originales et piquantes ce qu'elles peuvent avoir de mouotone. Il a mis beau-