page suivante »
ET DE SES AVANTAGES. 321
Quand on souffre, on devient meilleur ; on se sent disposé Ã
partager et à secourir des maux pour lesquels la santé n'eut ins-
piré qu'une stérile pitié. Il y a de la fraternité et presque de la
sympthie entre ceux sur lesquels la douleur exerce sa puissance.
La maladie n'est-elle pas un bienfait du ciel, quand , dans
ces affreux brisements de cœur ou l'esprit s'use dans les exal-
tations d'un désespoir solitaire, où les forces manquent à la
douleur et au courage, elle vient suspendre les tortures mora-
les? Le plus sublime modèle de l'amour mystique, sainte Thé-
rèse, qui a passé sa vie dans des émotions, dans des joies inef-
fables dont l'amour terrestre ne donne à ses privilégiés que
quelques rares et fugitifs instants, ne s'est-elle pas écriée :
Seigneur 1 souffrir ou mourir!
Après des avantages d'un ordre aussi élevé que ceux que
nous venons d'indiquer , nous osons à peine en citer
qui, pour rentrer dans la vie matérielle, n'en sont pas
moins fort appréciables. Nous voulons parler du plaisir d'être
délivré de cette foule d'oisifs qui n'a d'autre occupation que
d'interrompre celle des autres , et de celui non moins
grand d'être délié de ces puériles stupidités qu'on est convenu
d'appeler devoirs de société.
Il faut ne plus souffrir pour savoir jusqu'où s'étendent les
bienfaits de la souffrance. Lorsque aux pâles journées de la vie
succède ce voluptueux bien-être qui réunit à la douce langueur
du mal cessé, la mystérieuse sensation de la nature qui se ré-
génère, il n'est peut-être pas d'instants plus délicieux dans
toute notre existence; le calme , la paix filtre goutte à goutte
dans l'ame ; le passé se dérobe sous un voile épais et s'efface
devant un avenir qui se pare de tout l'éclat dont il brillait
dans nos premiers beaux jours; la pensée s'épure , l'esprit se
dilate , et le cœur se gonfle d'une joie inconnue qui mêle
quelque chose de divin aux sentiments que l'on éprouve ; on
se sent vivre par les côtés les plus élevés, les plus poétiques
21