page suivante »
242 HISTOIRE DE FRANCE. avec son admirable bon sens, avoir jugé sainement Louis XI : « Je trouve en ce roy un esprit prompt, remuant et versatil, fin et feint en ses entreprises, léger à faire des fautes qu'il réparoit tout à loisir au poids de l'or, prince qui savoit par belles promesses donner la muse à ses ennemis, et rompre tout d'une suite et leurs cholères et leurs desseins, impatient de repos, ambitieux le possible, etc, (1). » Les autres historiens, sans en excepter MM. de Barante, Walter Scott, C. Delavigne, nous l'avaient représenté dans la vie intime, surtout à Plessis-lès-Tours, assailli de terreurs; faisant trembler la France et tremblant devant Coictier: se livrant à de ridicules et souvent odieuses supestitions ; mais ils ne nous avaient pas montré en lui cet esprit actif, celte grande intelligence des hommes, cette foi dans le succès et cette merveilleuse patience d'un homme sûr de lui et de la réussite, plus ou moins prochaine, des projets qu'il a conçus. M. Michelet n'a pas négligé le point de vue intime; il ne le pouvait pas sans être incomplet ; mais il a fait prédominer le point de vue politique, et par conséquent montré l'unité du système sous ses variations apparentes. Ce n'est pas à dire cependant que M. Michelet ait formulé net- tement ce système lui-même. Comme lous les grands artistes, M. Michelet raconte plus qu'il ne juge. Mais les jugements ressortent nets, clairs, formels, des mille faits de détails qui composent le récit. En puisant, d'ailleurs, à des sources nouvelles et nombreuses, les Archives du royaume, les Bibliothèques de Lille, de Bruxelles, de Nancy, de Besançon ; dans les dissertations auxquelles a donné lieu l'histoire locale, à Liège, à Dinant, à Bruxelles, en Suisse (2) ; en s'inspirant de la vue et de l'étude des champs de bataille de Gran- son et de Morat, M. Michelet est parvenu à réformer bien des ju- gements erronés, à rétablir un grand nombre de faits oubliés ou mal compiis ; à rendre à beaucoup d'autres leur véritable carac- (i) Pasquier. Lettre VIII (à M. de Tïard)— OEuvres, t. II, p, 66. (i) M. Michelet s'est beaucoup servi, principalement, d'une édition belge de M. de Barante, avec des notes et des documents de M. Gachard. La contrefaçon aurait-elle, une fois, racheté ses méfaits par quelques services?