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                      HISTOIRE DE FBANCE.                        239

juger froidement une époque peu poétique par elle-même, toute
occupée de faire manœuvrer les ressorts nouveaux, et, par cela
 même, si compliqués de la diplomatie naissante. L'historien, on
oserait presque dire le chantre, de la France féodale, de Saint-
 Louis, de Jeanne d'Arc, saurait-il employer un autre style que
cette langue brillante d'images et de couleurs que l'on admire dans
 ses premiers volumes ? M. Michelet a levé to-is les doutes de ses
 amis, déjoué toutes les espérances de ses adversaires. Autant le
 style des premiers volumes de son Histoire de France est animé,
 poétique, abondant de figures, autant la langue du sixième volume
 est précise, correcte, serrée, sobre d'images; c'est la langue des
 affaires, celle de l'époque et des hommes qu'il veut faire connaître.
 Il faut, pour se plier ainsi au caractère des événements, une mer-
 veilleuse souplesse d'esprit et un esprit sympathique que personne
 n'a peut-être possédés au même degré que M. Michelet.
     La crainte que nous venons d'indiquer n'a donc pas été justifiée ;
 nous croyons qu'il en est ainsi d'un reproche que nous avons
 entendu adresser, plus d'une fois, non seulement, à M. Michelet,
 mais à la plupart des historiens. Pourquoi, dit-on, faire toujours
 l'histoire des rois, s'occuper des détails, non seulement de leur vie
 politique, mais même de leur vie intime? Pourquoi, au lieu de
 faire l'histoire de quelques hommes, ne pas faire l'histoire des na-
 tions? A ces questions, les réponses se présentent nombreuses et
  concluantes. Cette vaste synthèse, cette généralisation philosophi-
 que dans laquelle on fait consister toute l'histoire, à quelles con-
  ditions est-elle possible ? A la condition assurément qu'elle soit
  précédée d'une analyse exacte, minutieuse et complète de tous les
  faits de l'ordre politique, religieux, administratif, littéraire, qui
  composent la vie de chaque société et de chaque époque. Les moin-
  dres faits acquièrent ainsi de l'importance, et le travail patient
  des Bénédictins, les dissertations des érudits, peuvent, par le chan-
  gement d'une date ou la constatation d'un fait, en apparence se-
  condaire, modifier le point de vue sous lequel avaient été envi-
  sagés jusqu'alors des événements plus généraux. L'histoire phi-
  losophique exige l'histoire politique, et l'histoire politique, à son
   tour, n'est possible que par l'histoire érudite. M. Guizot n'a pu