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200 LODISE LABÉ. et l'autre cas. L'ame qui s'émeut en présence d'un objet aimé, comprendra la magie d'un paysage, d'un grand aspect, d'une beauté vive et saillante dans un site où elle est trans- portée. Les images que son inspiration lui souffle sont alors d'autant plus frappantes et plus vraies, que sa passion est plus vive et se trouve montée sur un ton plus élevé. D'autres fois, le poète fera revivre dans un de ses sonnets, comme dans le dix-neuvième, le moule attique de l'inspiration d'une femme, et ce sera la dernière fois peut-être qu'il sera possible de le retrouver ; nous aurons alors une création tout entière, un fond neuf sous une forme qui ne doit plus r e - paraître, tant il est dificile de la rajeunir ou plutôt de l'attein- dre. Car cette forme ne comporte dans son atticisme aucun genre d'imperfection ; la poésie n'en avait pas encore qui lui appartînt en propre, elle était grecque ou latine, elle osait à peine être française. Nous avons dit que la poésie de Louise Labé cueillait ça et là une image, une inspiration. Quand elle revêt une teinte de religiosité, elle n'en parait que plus touchante; on en pourra juger par ce seul trait. Elle a prié pour son ami Celui qui tient au haut Ciel son Empire. l'ay de tout temps vescu en son seruice Sans me sentir coulpable d'autre vice, Que de t'auoir bien soucient en son lieu D'amour forcé, adoré comme Dieu. Ne semble-t-il pas qu'il y ait là une nuance de sentiment qui doive rapprocher singulièrement cette femme de la tendre Héloïse soupirant ses remords à l'ombre du Paraclet? Ainsi, du sein de la société surgissent, de siècle en siècle, quelques âmes plus sensibles, plus passionnées que d'autres peut-être