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192 LOCISE LABÉ. Rarement cette passion fut-elle plus ingénieusement ex- primée ! « Si say ie bien que t'araie nouuelic A peine aura le renom d'estre telle, Soit en beauté, vertu, grâce et faconde, Comme plusieurs gens sauans par le monde M'ont fait à tort, ce croy ie, estre estimée. Mais qui pourra garder la renommée? Non seulement en France suis flatee Et beaucoup plus, que ue veus, exaltée. La lerre aussi que Calpe et Pyrenée Auec la mer tiennent enuironnee, Du large Rhin les roulantes areines, Le beau pais auquel or'te promeines (l'Italie) Ont entendu (tu me l'as fait à croire) Que gens d'esprit me donnent quelque gloire (1). » La Belle Cordière eut son entrée dans la noblesse, la phi- losophie et la galanterie de son siècle, par les grâces de sa personne et son goût pour la poésie ; elle lient dans les let- (i) Nous croyons trouver quelque analogie entre ces vers et ceux qui suivent, qu'une femme de la même condition que Louise Labé, laisse échap- per, un siècle plus tard, dans une situation sans doute pareille. On pourra juger, par là , que l'inspiration est une dans la même condition sociale, et apprécier en même temps la différence du langage d'un siècle à un autre. Il s'en va, le cruel vainqueur, Il s'en va plein de gloire ; Il s'en va méprisant mon cœur, Sa plus belle victoiie, Et, malgré toute sa rigueur. J'en garde la mémoire. Je m'imagine qu'il prendra Quelque nouvelle amante ; Mais, qu'il fasse ce qu'il voudra, Je suis la plus galante, Mon cœur me dit qu'il reviendra, C'est ce qui me contente. Le langage de Louise Labé, plus contenu, plus décent, laisse assurément une plus douce impression dans l'esprit.