Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
126            OBSERVATIONS SUR UN BAS-RELIEF

d'abord la narration que saint Jérôme a faite de cet événe-
ment, dans sa Vie de saint       Paul    ermite.

    Il y avait déjà cent treize ans, qne le bienheureux Paul menait
sur terre une vie céleste, lorsque Antoine, qui demeurait dans
une antre solitude, et qui était nonagénaire, comme il l'assurait
lui-même, sentit venir en son esprit cette pensée que nul autre
que lui n'avait vécu au désert en moine parfait; mais Ja nuit, pen-
dant qu'il reposait, il lui fut révélé que plus avant dans le désert
il y en avait un autre beaucoup meilleur que lui, et qu'il devait par-
tir pour aller le voir. Dès la poiDte du jour, le vénérable vieillard,
 soutenant, sur un bâton qui lui servait à se conduire, son corps atté-
 nué, se mit en chemin sans savoir où il allait. Et déjà le milieu du
jour brûlait d'un soleil dévorant, mais Antoine n'en poursuivait pas
moins son voyage, et disait : « J'espère en mon Dieu qu'il me fera
 voir enfin, comme il me ]"a promis, ce compagnon en son ser-
vice. » A peine avait-il parlé qu'il aperçut un homme uni à un
cheval, et qui était de ceux que les poètes appellent hippocentau-
 res. A cet aspect, il arme son front de l'impression du signe sa-
 lutaire, et alors: « Holà, toi! en quel endroit demeure ce serviteur
 de Dieu. » Mais le monstre , marmotaot je ne sais quoi de
 barbare, et brisant plutôt ses paroles qu'il ne les proférait, s'efforça
 de faire sortîrde ses lèvres hérissées de poils une voix un peu douce ;
 puis, étendant la main droile, lui montra le chemin desiré.'et, tra-
 versant avec une rapide fuite des plaines immenses, s'évanouit aux
 yeux d'Antoine étonné. Or, si le démon feignit cela pour l'épou-
 vanter, ou bien si le désert, toujours fertile en monstrueux animaux,
 avait aussi produit cette bête, c'est ce que nous ne savons.
     Antoine donc tout étonné, et pensant en lui-même à ce qu'il avait
  vu, continuait d'avancer. Aussitôt il aperçoit dans un vallon pier-
 reux un fort petit homme aux narines crochues, au front garni de
  cornes, et dont le corps, à l'extrême partie, se terminait par des
  pieds de chèvre. Sans être déconcerté à ce nouveau spectacle, An-
  toine saisit, comme un bon soldat, le bouclier de la foi et la cui
  rasse de l'espérance; mais le monstre apparu lui offrait, comme
 gages de paix, des fruits de palmier pour son viatique. Antoine, le