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                CÔME, LE LAC ET SES BORDS.                   123

   11 y avait un mois environ que deux jeunes gens avaient
fait l'essai d'une barque nouvelle avec une voile latine. L'un
m'était connu : c'était le plus jeune fils de mon hôte.
   L'autre était l'unique enfant d'une riche veuve. Il avait fait
de longues études à l'université de Pavie, et, pour ne pas le
quitter, sa mère avait voulu habiter aussi Pavie tant que du-
rèrent ses études.
   Le jour qu'ils avaient choisi pour faire l'essai de leur bar-
que , le lac était agité, le vent violent, le ciel sombre.
   Quand ils partirent, ils rencontrèrent des pêcheurs qui se
hâtaient de regagner le bord, en luttant contre les flots, qui
les reconnurent et leur crièrent : Messieurs, prenez garde, le
lac est bien mauvais !
   C'était ce qu'ils voulaient pour éprouver leur barque. Ils
continuèrent à s'avancer avec leurs deux rameurs. Il n'y avait
pas un autre bateau sur les ondes.
   Ils allèrent quelque temps poussés dans la môme direction
par un vent orageux, mais constant: ils étaient abrités, d'un
côté, par une colline qui s'avance dans les flots. Tout-à-coup
une rafale furieuse sort, comme d'une embuscade, de derrière
la colline, prend en flanc le bateau qui tournoie et plonge...
    L'un des jeunes gens — c'était le fils de la veuve — tomba
évanoui dans le lac et ne reparut plus.
   L'autre ( ainsi l'ont raconté les rameurs, les seuls témoins
de la catastrophe), se débattit un peu et reparut deux fois.
L'un des rameurs, qui s'était accroché à la barque, lui cria de
nager vers elle; mais il était poussé en sens contraire; il
n'entendit pas; il était d'ailleurs aveuglé par sa longue et
épaisse chevelure que l'eau ramenait et collait sur ses yeux.
   Le rameur, qui s'était accroché à la barque, avec la puis-
sante étreinte de l'homme qui se noie, fut bientôt rejoint par
son compagnon qui se sauva à l'aide de sa rame qu'il n'avait
pas lâchée.