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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 103 mun proclame, mais il les constate plutôt qu'il ne les explique et ne les prouve. Ainsi, il pose la distinction de la matière et de l'esprit, sans chercher à ap- profondir la nature de la substance matérielle et de la substance pensante; il admet la liberté sans déterminer précisément en quoi elle consiste, sans s'efforcer de la concilier avec l'ordre universel des choses, il reconnaît l'exis- tence d'une règle naturelle de distinction du bien et du mal, du juste et de l'injuste, mais il ne recherche pas quel est le principe et le fondement de cette règle, ni en quel rapport elle se trouve avec la nature et les attributs de Dieu, ni d'où lui vient son caractère absolu et obligatoire. M . Rittiez ne nous semble pas non plus avoir une idée bien nette de la faculté par la- quelle nous connaissons le juste et l'injuste, car il pense que cette no- tion étant primitive et universelle ne peut nous venir que de l'instinct et non de la raison. Mais l'instinct est une tendance naturelle qui n'engendre que plaisir ou douleur. Nulle connaissance, nulle idée ne dérive de l'instinct. Parmi nos idées, il en est qui, particulières et contingentes, sont le pro- duit ultérieur de notre activité intellectuelle et de la réflexion, il en est d'autres qui, primitives, universelles et absolues viennent de la raison, c'est- à -dire de cette faculté par laquelle notre intelligence aperçoit ce qui est né- cessaire, absolu et infini. Or, telle est précisément l'origine de l'idée du bien absolu, du bien en soi et en conséquence de la règle par laquelle nous dis- cernons le juste de l'injuste. Au reste, dans toutes les questions métaphysi- ques que traite M. Rittiez, on ne peut lui reprocher que n'être pas allé assez loin, que de n'être pas remonté assez haut, et non de s'être égaré. Au mi- lieu de cette métaphysique si réservée et si sage, nous avons été étonné de rencontrer une violente déclamation contre la philosophie éclectique. A en croire M . Rittiez, la philosophie éclectique s'en irait par lambeaux, mar- cherait dans le vide et dans l'isolement, ce serait un système bâtard engendré par des idées le plus souvent contradictoires (Introduction, pag. 3g). Nous craignons qu'ici l'auteur, à son insu, ne se soit laissé égarer par l'esprit de parti. Placé au point de vue de la philosophie écossaise, lui convient-il d'at- taquer d e l à sorte la philosophie éclectique? Il est vrât que M. Rittiez fait le plus grand éloge de M. Pierre Leroux. Mais, si je ne me trompe, il ne s'inspire aucunement de sa métaphysique, et je ne trouve pas dans son livre une seule trace des idées philosophiques développées par le rédacteur de Y Encyclopédie moderne. Encore une fois, la métaphysique contenue dans l'Idéo- logie politique relève entièrement de la philosophie écossaise, et nous pen- sons qu'elle n'aurait rien perdu à s'élever à un point de vue supérieur et à s'inspirer un peu de cette philosophie éclectique pour laquelle on se croit obligé de professer tant de mépris et de haine. De sa métaphysique, M . Rittiez déduit sa politique. Sa métaphysique est sage, sa politique ne l'est pas moins. Il donne une grande part à la liberté mais il reconnaît comme légitimes toutes les bornes imposées à la liberté an nom de l'ordre, au nom de l'intérêt général, ait nom de l'unité sociale. Il admet l'égalité, mais l'égalité restreinte aux choses communes, aux choses publiques, et il proteste contre l'absorption des unités individuelles dans l'in- térêt d'une égalité fausse, impossible, contraire à la nature. Il considère avec raison les progrès comme la loi des sociétés, mais il ne rêve pas un progrès sans règle et sans mesure. « Le progrès social, dit-il, a sa marche logique, claire, déterminée, et il souffre autant de retards par les efforts de ceux qui le nient que par les efforts do ceux qui veulent se précipiter sans réflexion dans les voies de l'inconnu (pag. a i 8 ) . » Néanmoins, il est un point, celui de la souveraineté, sur lequel nous ne sommes pas d'accord avec M. Rittiez. 11 définit la souveraineté, la volonté active et libre d'une notion. Il ap- prouve celte phrase de Sièyes : La volonté nationale est l'origine de toute