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                       DANS LE DRAME.                          51

la copie n'a plus qu'un regard et qu'une attitude. Cepen-
dant, le théâtre du XVIIe siècle renferme d'incontestables
beautés, mais pas de celles qui émeuvent sur la scène. En
effet, la vérité dans l'étude de l'homme peut se présenter sous
deux faces. On peut ia chercher, soit dans l'homme en géné-
ral, soit dans tel homme en particulier; on peut faire de la
philosophie ou des études de mœurs, de la psychologie ou du
roman, du drame ; on peut étudier l'espèce homme, objet
abstrait et sans réalité, ou un homme quelconque, vivant de
sa vie propre et de plus de la vie de l'humanité. Que faisait
la tragédie ? Elle faisait de la psychologie sur le théâtre.
Aussi, jamais la délicatesse de l'analyse n'alla plus loin, jamais
le coeur humain ne fut plus disséqué avec plus de science et
de profondeur; mais, effacez les noms des personnages, lisez
ces vers de Corneille et de Racine, quel est le héros qui ne
pourra déclamer les uns, quel est l'homme qui ne pourra dire
les autres? Voyez Oreste, voyez Achille, voyez Titus; ce n'est
ni Achille, ni Oreste, ni Titus, c'est l'homme sous une de ses
faces; et si, par hasard, l'abstraction s'oublie, si le person-
nage parle et non l'homme, le grec Oreste, le romain Titus
ne parle pas, mais l'amoureux du siècle de Louis XIV. C'est
que ces gens-là ne vivent pas de la vie qui leur est propre ; ce
ne sont pas des hommes, ce sont des sentiments qui portent
un nom grec ou romain. L'homme avec ses grandeurs et ses
misères, fort aujourd'hui, faible demain, ne s'y trouve pas.
    C'est le drame moderne qui retourne réellement vers l'an-
tiquité, par une imitation légitime, en choisissant, comme
 elle, des personnages sympathiques au spectateur, parce qu'ils
 vivent de la même vie que lui, en essayant de reproduire
 l'homme, non pas seulemeut selon l'immobile vérité de l'abs-
 traction philosophique, mais aussi tel que nous le voyons par
 les sens et l'imagination ; mais, plus libre que la tragédie
 grecque, ne devant point se borner à des figures consacrées