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A BOURGOIN. 25 vue, mais la seule par laquelle j'y puis parvenir; cette bizarre maladie a des relâches que je paie par des retours cruels. Je crois que l'air et l'eau de ce pays marécageux sont la cause de mon mal, je ne m'en suis pas senti tout seul, et ma femme, qui vient d'être aussi malade, en a éprouvé sa part » Rousseau avait raison pour le germe de sa maladie, c'est bien aux émanations marécageuses qu'il en était redevable, mais, il prenait le change, il se trompait sur la gravité et sur la terminaison que devaient avoir ses souffrances. L'art triom- pha de cette affection qu'il se plaisait à considérer comme incurable. Dn jeune médecin de la localité, le docteur Ménier, avait été appelé ; ses conseils furent suivis; Rousseau, malgré cette répugnance pour la médecine qu'il a exprimée dans plusieurs passages de ses œuvres, se vit contraint de se sou- mettre au traitement indiqué : l'affection fut entravée dans sa marche. Pour se venger, il médit de son médecin, le pour- suivit de sarcasmes et de plaisanteries de toute nature. II en parle, dans deux de ses lettres, en termes très peu flatteurs; il semble ne plus se souvenir des services qu'il en a reçus. Le docteur Ménier, mort il y a seulement quelques années, dans un âge très avancé, n'avait point gardé rancune à Jean- Jacques du jugement sévère et peut-être injuste, exprimé sur sa personne, il ne parlait jamais du philosophe qu'avec la plus grande considération. Mais, le public, sans doute à tort, s'est toujours rappelé la première opinion, le premier senti- ment de Rousseau sur son jeune médecin. D'autres conditions hygiéniques devenant indispensables, un air plus vif, plus pur, étant jugé nécessaire, le docteur Ménier fit transporter Jean-Jacques à la campagne. II choisit pour sa nouvelle demeure, une gentilhommière portant le nom deMontquin, située sur la hauteur, exposée au midi et au levant. Elle dépendait du château de Sezargc, éloignée de Bourgoin d'une demi-lieue environ ; le propriétaire s'é-