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LE BARON RAVERAT 427 lumière quelques détails intéressants, mais il ne s'attarde jamais ; et déjà l'on y rencontre la recherche consciencieuse de la vérité, surtout dans ces petites notices consacrées aux figures qui défilent tout le long de cette histoire. Elles durent coûter, pour être recueillies, beaucoup de patience et de recherches, et elles renferment bien des renseignements que Ton chercherait vainement ailleurs. Quant aux défauts, le premier, cet enthousiasme lui- même, était inhérent à l'œuvre ; il était difficile de l'éviter dans ce plaidoyer pro domo suâ, pour le nom et pour le majorât. Nous savons bien que l'époque prêtait à la redon- dance et à la préciosité maniérée du langage. Avec un reste des belles manières du siècle dernier que la société nou- velle avait encore connues, il y avait des formes du langage dit classique ; l'abus de l'adjectif, l'allure solennelle, les périodes savamment enveloppées, la phrase interminable chargée d'incidentes ; nous en relevons à chaque page de huit, dix, onze lignes. C'était une époque où l'on savait faire une révérence et tourner un compliment, aussi compliqué que maniéré, écrire une phrase où l'adjectif était proprement placé, toutes choses que le baron, galant pour les dames, charmant causeur avec les hommes, sut faire jusqu'au der- nier jour. Aujourd'hui, un coup de tête sec suffit au salut, et après Mérimée, H. Taine nous a appris à faire la phrase simple et à décarcasser notre style, comme dit Daudet. Un autre défaut de l'ouvrage est son ton soutenu,, vibrant d'admiration d'un bout à l'autre, pour cette légende impériale d'abord, et pour ses acteurs les plus importants, qui, d'après le baron, furent les Dauphinois. Admirer Napo- léon, s'enthousiasmer en faisant l'histoire de ses armées, qui semèrent un peu partout les idées françaises, cela se comprend ; compter par le menu les entrevues de Napoléon