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                   NOTES SUR LE SALON                   223

et solitaire, inconnue de Joanne lui-même. Un coucher de
soleil sur une mer chargée de brume, éclairée par le globe
d'or qui jette ses derniers rayons, au premier plan, une
théorie de cygnes noirs : tel est l'un des tableaux de
M. Smith-Hals, qui nous a monnayé cette année en trois
petits tableaux la pièce de bel et bon aloi qu'il nous envoyait
souvent à double exemplaire.
   M. Roman me paraît en réel progrès avec son entrée du
Hameau de Saint-Fortunal. La route descend dans le vallon
ombragé d'arbres séculaires, les toits bruns des habitations
rustiques marient leurs tons chauds, à la verdure sombre
des noyers, et l'ensemble donne l'illusion, cherchée et
atteinte, d'une réalité pittoresque. L'artiste a heureusement
assourdi les tons de la mosaïque des touches qu'il emploie.
   Le Mont-Cervin est un des modèles favoris de M. Lortet ;
la blanche pyramide de neige de cette merveille des Alpes,
nous est présentée cette fois dans le lointain : au devant du
tableau, un énorme rocher rougeâtre, pyramidal aussi,
domine toute la scène alpestre que l'artiste a représentée.
Une morne solitude règne à ces hauteurs, une flaque d'eau
brille immobile à quelques pas, pas un être vivant n'anime
ce désert, c'est l'image de la désolation, le domaine du
silence, les hauts lieux où expirent toute végétation, toute
vie ; c'est là le puissant effet de ce tableau où se retrouvent
la consciencieuse étude de la nature, en même temps que la
poétique inspiration du peintre lyonnais des Alpes.
   C'est une des plus brillantes, des plus justement remar-
quées des marines du Salon, que celle où M. Weber a peint
un petit Remorqueur, entraînant vers le port un grand navire,
désemparé par un coup de mer. Le ciel noir et chargé
d'orage, a peine à s'éclaircir, les vagues démontées, bouil-
lonnent et écument contre les estacades qui ferment à gauche