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214                   NOTES SUR LE SALON

bée sur la glèbe, arrachant de sa main famélique les
pommes de terre qui serviront à l'unique repas du jour.
La joie et la fierté de la mère ont disparu ; peut-être elle
aussi est-elle partie de ce monde; la mort et la misère
sont restées le partage de ses enfants. Triste et doulou-
reuse histoire, lamentablement vraie, sans doute, pour
plus d'une famille française, rendue par le peintre avec une
puissante et douloureuse précision.
    M. Albert Maignan est un habile artiste; il ne se con-
tente pas de peindre ce qu'il voit, hier il personnalisait dans
une allégorie hardie les Voix du tocsin; aujourd'hui il nous
rend par son art les témoins émus de la déplorable Mort
de Guillaume le Conquérant. Avec une grande puissance
d'exécution, avec une science archéologique puisée aux
bonnes sources, il nous retrace cette scène navrante, où le
néant de la gloire et de la grandeur humaines se marque
d'une ineffaçable empreinte.
    « C'était le 9 septembre 1087, Guillaume sommeillait
lourdement, lorsqu'il fut réveillé par le bruit des cloches.
 « Clu'estceci? » demanda-t-il. — Les cloches de Sainte-
Marie qui sonnent prime. — Je me recommande à Notre-
 Dame, la sainte Marie, et à Dieu », dit-il, en élevant les
 mains au ciel, et il expira.
    « Ses fils l'avaient laissé mourant, ses serviteurs l'aban-
 donnèrent mort ; une stupeur subite saisit la ville entière
 au départ de cet homme puissant et redouté.
     « Lorsque les moines revinrent à eux et s'empressèrent
 dans l'hôtel royal pour remplir les devoirs de leur ministère,
 ils trouvèrent la chambre dépouillée et le corps du conqué-
 rant, presque nu, étendu sur le plancher (T). »

   (1) Guizot. Hist. d'Angleterre, I, p. 88.