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68 A TRAVERS LA KABYLIE nant qu'une fois sortis de l'école, ils redeviennent aussi peu civilisés qu'ils l'étaient avant d'y entrer (pp. 141 et suiv.). On avait espéré que ce que l'école ne leur donnait pas, la discipline militaire le leur inculquerait. Il n'en a rien été. De retour chez eux, les tirailleurs indigènes reprennent leur vie barbare ; ils sont les plus insoumis de tous les habitants et nos plus grands ennemis (p. 112). L'instruction des filles a encore moins bien réussi que celle des garçons. Comme les pères de famille montraient encore plus de répugnance à envoyer à l'école leurs filles que leurs fils, on ramassa d'abord quelques orphelines dont leur famille était bien aise de se débarrasser, et on en ajouta à ce premier noyau un certain nombre pour lesquelles on payait à leurs parents 10 francs par mois. Les résultats de cet enseignement ont été déplorables. Toute jeune fille kabyle qui passe par l'école devient fatalement une déclas- sée et pire encore. Elle se trouve, en effet, dans l'impossi- bilité de se marier. Un Français n'a jamais l'idée d'épouser une Kabyle, et aucun indigène ne veut d'une femme qui a fréquenté l'école. « Que veut-on que nous fassions de femmes plus instruites que nous, » disent à l'envi les Kabyles; et ils ont raison, car jamais une indigène ins- truite, après avoir goûté de la vie européenne, ne consent à reprendre l'existence menée dans sa famille et à se cour- ber sous les coups du mari qui l'a achetée. Dans une école d'environ soixante jeunes filles, une vingtaine ont déjà dépassé l'âge du mariage; trois seulement ont trouvé acqué- reur : l'une d'elles, achetée 500 francs, n'a jamais voulu suivre son mari; les deux autres ont épousé d'affreux vau- riens et sont très malheureuses. Quant aux dix-sept autres, l'expérience nous apprend ce qu'elles vont devenir. Ne pouvant demeurer indéfiniment sous la surveillance de son