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6o                 A TRAVERS LA KABYLIE

    Chose singulière, l'offensé n'est pas tenu de se venger
lui-même : la coutume l'autorise à employer un vengeur à
gages, et l'on trouve facilement, moyennant finance, des
gens qui se chargent de tuer un ennemi. L'assassinat pour
vengeance est un métier, et un métier qui, aux yeux des
Kabyles, n'a rien de déshonorant. Il est de ces assassins qui
ont déjà tué de quarante à cinquante personnes ; ils sont
connus, célèbres, et on les admire plus encore qu'on ne les
craint. Ce n'est cependant pas sans danger qu'on remet sa
cause entre leurs mains : l'exemple suivant le prouve. Le
prix moyen d'un assassinat est de 500 francs. Mais un
de ces justiciers, trouvant un jour la somme insuffisante,
alla trouver la victime qui lui avait été désignée et lui
offrit de tuer son ennemi pour 600 francs. L'offre fut
acceptée et le premier embaucheur fut tué. Cependant,
l'affaire fit plus de bruit que de coutume; l'assassin fut
saisi. Il méritait l'échafaud : on l'envoya seulement à
Cayenne, et, comme font, du reste, nombre de ses pareils,
il trouva moyen de s'évader. Il rentra en Kabylie et reprit
son ancien métier. Quelque habileté qu'on ait, on ne réussit
pas toujours. Ayant mal combiné un nouvel attentat, la
victime dont il s'était chargé le prévint et lui tira deux
coups de feu qui lui fracassèrent une jambe et une épaule.
Les Kabyles ont la vie dure : on pourra en trouver des
exemples à la page 5 1 ; le vengeur fut sur le point de
s'échapper. Enfin, pris et garrotté, ce ne fut pas sans peine
que l'administrateur de Fort-National le fit transporter à
l'hôpital. Les Kabyles l'auraient volontiers caché ; mais le
conduire à l'hôpital, c'était le livrer. Qu'ils se rassurent :
aux dernières nouvelles le célèbre bandit se rétablissait, et
peut-être a-t-il déjà repris son terrible métier (p. 96 et s.).
    Malgré les différences qui existent entre les Kabyles et les