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14                           DU SURNATUREL

Le tempérament de l'esprit, si je puis parler ainsi, paraît
aujourd'hui affranchi des faiblesses qui troublaient autrefois
jusqu'aux hommes de science ou de génie. Voilà soixante
ans environ que dure cette situation sans exemple dans
l'histoire. Grâce à Cassini et aux découvertes de l'astrono-
mie, il n'y a plus d'astrologie judiciaire ; grâce aux méde-
cins et aux savants ouvrages de Bonet, Semler, Grumer et
Farmer (1), il n'y a plus de possessions démoniaques; grâce
à la sage incrédulité des tribunaux, depuis l'ordonnance de
1682 dictée par Colbert, il n'y a plus de sorcellerie. La
Révolution qui a ouvert le nouveau monde politique a fermé
l'ancien monde surnaturel (2).


   (1) V. Alfred Maury, de l'Institut, La Magie et l'astrologie dans l'an-
tiquité et au moyen-âge, p. 337.
   « L'abbé Mergier, dans son Dictionnaire de théologie, au mot Esprit,
convient que le nom d'esprit mauvais a été donné dans l'Écriture à des
maladies simplement inconnues et regardées comme incurables. Un tra-
piste, le P. Debreync, médecin, dans son Essai sur la théologie morale,
ch. iv, p. 356, tout en faisant ses réserves sur les possessions rappor-
tées dans le Nouveau Testament, qu'il déclare être de foi, admet que
les autres possédés ne sont que des malades ou des charlatans. »
    En 1770 se pratiquait encore la cérémonie de la Sainte-Chapelle, au
Palais-de-Justice, où tous les ans, dans la nuit du Vendredi-Saint, les pos-
sédés venaient, à époque fixe, se faire affranchir de l'Esprit immonde.
(Dulaure, Hist. de Paris, t. 2, p, 419).
    (2) Saint Thomas d'Aquin admettait la réalité des sortilèges. Machiavel
croyait aux influences des astres. Le jurisconsulte François Hotman, qui
s'efforça de poser sur un fondement historique la doctrine de la souverai-
neté de la nation, avait consumé sa fortune à la recherche de la pierre
philosophale. Ambroise Paré, le père de la chirurgie française, ne se pro-
nonçait qu'avec circonspection au sujet des démons qui pouvaient boule-
verser nos sens. Le sévère Lanoue, honneur du protestantisme, déplorait
les maux que causaient à la France les progrès de la magie. Dans sa jeunesse,
Henri Estienne, le grand érudit, tirait des horoscopes. L'historien de Thon
et Bacon, le restaurateur de la saine méthode philosophique, ne faisaient