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494                         PÉLOPONÈSE.
 saient un rempart des cadavres des leurs. Cependant l'acharne-
ment se ralentissait de part et d'autre ; la chaleur et la fatigue
amollissaient les membres des combattants . En ce moment,
 une femme paraît sur le toit d'une maison, échevelée, noircie de
poudre, les vêtements en désordre : c'est la femme de Stathas.
 « Fils de Mahomet, s'écria-t-elle, et vous, enfants du Christ,
cessez un instant le feu ; que la poussière et la fumée se disper-
sent pour que nous puissions compter nos morts et nos blessés ,
donnez-moi des nouvelles de mes trois fils ; qu'ont-ils fait, que
sont-ils devenus clans la mêlée ? « Une voix lui répondit : « Le
premier est allé chercher de l'eau à la fontaine; le second nettoie
 ses armes;... » — « Et le troisième? » dit la mère. Point de
 réponse. Le troisième, le plus beau, le plus téméraire, le plus
 aimé des trois, était gisant sur le sol la face contre le ciel, criblé
de blessures, l'Å“il blanc et fixe, la bouche demi-ouverte, les
bras étendus, le doigt convulsivement courbé sur la détente de
sonlfusil. A cette vue, la femme de Stathas se précipite sur le
corps de son fils , écarte les boucles noires de sa chevelure et lui
parle à voix basse , penchée à son oreille ; puis , saisissant les
 armes dont il s'était servi, elle ramène ses palikares au combat.
Les deux fils qui lui restaient la suivent de près, la protégeant de
leur corps, portant autour d'elle des coups de géants. Quand le
 soir vint, ses lieux étaient de nouveau calmes et déserts ; des
monceaux de morts jonchaient le terrain : six cents Turcs, les
 cinquante palikares , la femme et les trois fils de Jean Stathas.
   Deux jours après, celui-ci revenait du camp des Grecs ,
joyeux et souriant ; il fredonnait un de ces refrains populaires
que les Grecs chantent quand ils sont sur le chemin de leur patrie.
Cependant il s'étonnait, en approchant, de n'entendre aucun cri,
aucun chant, aucune voix humaine, et de ne point voir le troupeau
errer dans les pâturages ordinaires. De tristes pressentiments
l'oppressent , il s'arrête , examinant le ciel et flairant l'air ;
d'acres parfums irritent sa poitrine, une sombre nuée d'oiseaux
de proie , hôtes inaccoutumés de ces montagnes , surprend son
regard. 11 se hâte ; un instant après, il était sur le champ de
 bataille , entouré de ruines et de cadavres. A cette vue, ses traits