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294 JACQUES LISFRANC. ne redoute pas la concurrence et dont la riche étoffe perd né- cessairement à l'obscurité et au faux jour quelque chose de sa beauté et de son éclat, il appela la foule au cours qu'il ouvrit pu- bliquement, et dans lequel on pouvait juger, sans intermédiaire, de toute la richesse de ses connaissances. Il professait son art à cette école, et cet art il le mettait à la portée de tous. Un grand nombre d'élèves, avides de saisir les secrets de sa grande habi- leté opératoire, accouraient et se pressaient autour de ce maître sans robe. Ces leçons mi-publiques et rétribuées à l'anglaise et à la prussienne eurent bientôt un succès de vogue. Lisfranc avait les qualités de l'orateur. De son corps robuste, haut de près de six pieds et d'une carrure colossale, comme le dit un de ses anciens auditeurs, sortait une voix sonore et vibrante, qu'un tempérament non fatigué rendait puissamment accentuée ; aux descriptions il mêlait parfois des injures. A côté de l'éloge se ren- contrait le stygmate : éloge pour les uns, stygmate pour les au- tres ; et l'auditoire applaudissait avec transport le panégyrique et la satire en même temps. Bientôt Lisfranc n'eut pas à se repentir d'avoir bien présumé de la capitale, encore moins de lui-même. Son nom une fois ré- pandu dans le monde, il fut nommé provisoirement chirurgien dans le service de l'Hôtel-Dieu de Paris. Dès cette époque, ses connaissances deviennent plus positives et son expérience profi- table. Ce fut alors qu'il présenta à l'Académie des Sciences, de concert avec M. Champesme, un mémoire sur l'amputation du bras dans l'articulation de l'épaule. Le piédestal était par là tout dressé. L'attention des hommes de l'art, que confirmèrent en même temps les suffrages flatteurs de la docte assemblée, se fixa irrévocablement sur lui. ni. A cette date se rapportent pour ainsi dire les débuts officiels de Lisfranc comme professeur de pathologie chirurgicale et de médecine opératoire. Il préludait à son enseignement clinique,