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MARIE PETIT-JEAN. 461 mettre enfin ses vieux jours à l'abri des besoins, et le présent semblait promettre la réalisation de ses modestes désirs. Pour conserver la confiance de ses élèves , et déjouer les in- trigues de la jalousie, elle comprit qu'il fallait établir sa réputa- tion sur des œuvres qui prouvassent son savoir ; ne point s'en tenir seulement à de bons conseils, mais aussi prêcher d'exemple. Ce fut alors qu'on la vit mettre au jour ses charmants tableaux de chevalet, d'une exécution fine, consciencieuse en même temps que large, d'une couleur vraie , et d'un dessin qui semblait le fruit de longues études, qu'elle n'avait malheureusement pu faire, mais auxquelles suppléaient un coup-d'œil juste et le sen- timent inné des formes. Armée de ce fonds qu'elle avait pour ainsi dire acquis toute seule, entrer en lice avec cette pléiade d'artistes sortis de l'École des Beaux-Arts, où rien ne manquait à qui voulait apprendre, n'était pas chose sans mérite. Elle soutint cependant cette rivalité avec, honneur ; nos souvenirs sont assez présents pour l'affirmer, quand ses ouvrages ne seraient pas là pour le prouver. Ce fut au point, et ce n'était pas un de ses moindres chagrins, qu'on l'accusait de se faire aider par son frère, chose tout-à -fait inexacte quant au travail matériel, mais non quant aux conseils , parce que tous deux , s'aimant d'une légitime et sincère affection, s'éclairaient mutuellement de leurs avis. Leur faire, d'ailleurs , ne se res- semblait nullement, et, pour lui rendre toute justice, nous de- vons dire qu'à cette époque elle comprenait l'art d'une manière plus libre et plus grande que lui, aucuns influence d'école n'é- tant venu troubler la nature de son talent. Sans les entraves de son sexe, elle eut fait un artiste de premier ordre, car bien peu furent doués d'une aussi parfaite organisation. Une de ses premières créations remarquées du public, fut un petit tableau représentant la Belle au bois dormant, exposé à Lyon en 1822, et acheté par la Société des Amis des Arts , œuvre timide, faite peut-être trop sous l'influence des succès de l'Ecole lyonnaise, où tout était sacrifié à la délicatesse du pinceau, mais qui ne manquait ni de charme , ni de vérité de détails. Une maladie grave que fit son frère , habitant avec elle , lui