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492 PÉLOPONÈSE. Stathas ne se mêlait jamais aux querelles des A rmatoles contre les chefs Musulmans ; il regardait comme fatale au pays ces combats partiels, incertains, et toujours suivis de dures repré- sailles. Ce n'est point qu'il fléchit devant la domination des Turcs ; mais sa prudence égalait son courage ; son patriotisme attendait pour éclater, parce qu'if pressentait que ces guerres d'homme à homme, de chef à chef, n'étaient que les avant-cou- reurs de combats plus sérieux, les symptômes d'une guerre gé- nérale. En attendant, il faisait de longs et fréquents voyages dans l'intérieur de la presqu'île, seul et sans autres armes qu'un long poignard caché sous sa tunique de laine, afin de n'éveiller aucun soupçon. 11 traversait les montagnes en tous sens , re- cherchait les sentiers les plus ignorés, rôdait autour des villes pour en examiner les sentiers et les issues , étudiant ainsi les lieux où il s'attendait à combattre, remarquant les sites inacces- sibles propres à lui servir d'asile, et les défilés impratiqués par lesquels il pourrait surprendre l'ennemi. Le jour qu'il attendait arriva enfin. Lorsque Ypsilanti jeta en Morée le premier cri d'insurrection, Jean Stathas réunit autour de lui ses amis et ses parents, leur dit qu'il allait se joindre aux défenseurs de la liberté et de la nationalité grecques, choisit les plus braves et les plus robustes pour suivre, et laissa les autres à la garde du village, ainsi que ses trois fils , en leur recomman- dant leur mère. En peu de mois , il s'acquit une réputation juste- ment méritée par des exploits presque inouïs, et chaque jour re- nouvelés. L'effroi qu'il causait aux Turcs était mêlé d'une ter- reur superstitieuse. Il combattait toujours, accompagné du plus petit nombre d'hommes possible, des armées presque entières, surprises de son audace. Les éléments eux-mêmes devenaient des armes dans sa main ; il roulait sur la tête de ses ennemis des ro- chers arrachés aux montagnes ; il les précipitait dans les torrents ou dans les abîmes par des attaques subites où il déployait une énergie surhumaine. Grâce à sa grande connaissance des lieux , il était insaisissable. Partout présent, au moment où on l'atten- dait le moins , il portait ses coups et disparaissait sans qu'on pût suivre ses traces. De temps à autre il faisait une courte ap-