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PÉLOPONÈSE. 493 parition dans son village pour rassurer sa femme, ramener un de ses fils et s'en joindre un autre, et recruter quelques pallika- res pour remplacer ceux qui étaient tombés sous le feu de l'en- nemi. Ses apparitions dans ses foyers, quoique rares et accom- plies dans le plus profond secret , n'échappèrent point aux Turcs ; ils résolurent de le surprendre au sein de son village, et de l'écraser en une fois, lui et ses compagnons, par des forces dix fois plus nombreuses. Un jour donc , avertis par leurs espions que Stathas se trouvait à Castro avec tous les siens, ils s'y transportèrent au nombre de mille. Cinquante pallikares étaient tout ce que ce petit hameau pouvait leur opposer ; mais chacun de ces cinquante Grecs valait plus de dix Turcs.Ceux-ci marchèrent la nuit, entourèrent les mai- sons où les Grecs dormaient sans défiance, puis soudain donnè- rent le signal du combat. Avant d'engager la mêlée , le chef des Turcs s'écria : « Livrez-nous Jean Stathas ; vos têtes sont pro- mises au pacha ; il se passera des vôtres , si nous lui présentons celle de Stathas ; nous sommes mille ; vous , cinquante ! » A ces mots, une fenêtre s'ouvre ; la femme de Jean Stathas , armée d'un long fusil, parait et s'écrie : « 0 Turcs miséricordieux, nous regrettons de ne pouvoir faire ce que vous demandez. Jean Stathas est parti ; nous ne sommes plus ici que sa femme, ses trois fils et cinquante pallikares ! » Puis elle ajuste le chef qui avait parlé et l'étend mort dans la poussière. Jean Stathas était, en effet, parti la veille , grâce à un miraculeux hazard, ayant été appelé dans le camp des Grecs à deux jours de là , pour con- certer avec le prince Ypsilanti le plan d'une nouvelle expédition. A ce moment, le jour commençait à poindre , et bientôt il éclaira l'un des combats les plus acharnés auquel ait jamais souri le cruel génie de la guerre. Les cinquante braves, retranchés dans les maisons, derrière les troncs d'arbre et les rochers com- battaient en silence ; les vieillards et les femmes chargeaient les armes pour que rien n'interrompît le feu. Les Turcs, décimés par les balles des grecs, remplissaient l'air de leurs imprécations. Le combat durait depuis plus de cinq heures ; les Grecs comptaient déjà une dixaine de morts , perte irréparable ; les Turcs se fai-