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490 PÉLOPONÈSE. moustaches grises, relevées aux extrémités, laissaient apercevoir des lèvres minces et délicates ; ses yeux avaient tous les éclairs de la première jeunesse ; son front hâlé, qu'une longue et étroite cicatrice coupait par le milieu, portait des rides nom- breuses creusées par les fatigues, les dangers et les souffran- ces plus que par les années. Le jeune homme portait les che- veux presque ras, contrairement à l'usage du pays ; ils étaient noirs comme ses sourcils ; ses yeux bleus avaient du courage, delà prudence et de la mélancolie. Sa peau, restée blanche malgré les feux du soleil, ses moustaches noires et fines comme le duvet, la ligne du nez fortement accusée et séparée brusque- ment de celle du front, donnaient à ses traits une physionomie étrangère. J'aurais volontiers lié conversation avec eux ; mais, malgré tous mes efforts et toutes les petites ruses que j'em- ployai pour me mettre en rapport, ils ne parurent pas prêter la moindre attention ni à moi, ni à aucun de mes mouvements. Quand j'eus fini de prendre mon repas, le guide vint m'avertir qu'il fallait remonter à cheval. « Très-probablement, dit-il, ils vont passer ici la journée et la nuit; je ne puis vous conter leur histoire devant eux, je vous la dirai en route. D'ailleurs , il est temps de partir, si nous voulons, à travers ces défilés où la marche est lente, gagner la prochaine habitation avant la nuit. » Nous repartîmes donc, devancés par nos bagages, que Dimitri avait mis en route depuis longtemps, afin que nous ne fussions pas retardés par eux. Pendant que nous cheminions côte à côte , il me raconta l'histoire qu'il m'avait promise. VIII. JEAN STATHAS. C'est un épisode des guerres de l'indépendance , période fé- conde en exploits, inépuisable carrière d'histoires inouïes , d'a- necdotes romantiques, d'homériques batailles, de sombres dra- mes , [source intarissable où la poésie pourrait puiser des chants sublimes pour éterniser la mémoire des gigantesques actions