Revue du Lyonnais » série 2 - n°5 ( 1852 ) » pp.391

                     ÉTUDE SUR L'HISTORIEN GIRRON.              301
jamais franches. Il faut toujours qu'à ce qu'il .dit de bien vienne
 se mêler un venin perfide qui en altère la pureté. Après avoir
 raconté la mort si touchante de saint Cyprien , il ajoute cette
réflexion : « Il avait le choix de mourir martyr ou de vivre apos-
tat , mais de ce choix dépendait l'alternative de l'honneur ou de
l'infamie..; il importait à l'évêque de Carthage de soutenir le rôle
qu'il avait pris (1). «Ainsi, d'après Gibbon, saint Cyprien n'est que
le martyr du point d'honneur. Autre exemple •. « Les protestants
et les philosophes de ce siècle, ditGibbon, seront disposés à croire
qu'au sujet de sa conversion, Constantin soutint une fourberie
préméditée par un parjure solennel. Ils n'hésiteront point à pro-
 noncer que ses desseins ambitieux le guidèrent seuls dans le
 choix d'une religion (2). » Voilà bien une manière habile de dire
 d'un personnage historique qu'il est fourbe et parjure, sans en
 prendre la responsabilité. Il est vrai que l'historien semble vou-
loir « démentir ce jugement hardi et absolu, par le caractère de
Constantin, » mais le trait ennemi a été lancé, et il n'en reste
pas moins enfoncé dans le portrait du premier empereur chrétien.
 C'est ainsi qu'après avoir tracé un brillant éloge de saint Louis,
 il ajoute « qu'un zèle aveugle obscurcit ses grandes qualités,
 que la superstition nuit à la bonté de son cœur et de son juge-
 ment (3). » On ne peut lire, sans en être profondément blessé, les
 paroles suivantes sur saint Grégoire-le-Grand : « Ses vertus et
 même ses défauts, un singulier mélange de simplicité et d'arti-
 fice, d'orgueil et d'humilité, de bon sens et de superstition,
 étaient très-bien assortis à sa position et au temps où il vé-
 cut (4). » L'ouvrage fourmille de ces portraits équivoques.
  Gibbon est totalement dépourvu de conviction ; son œuvre, du
moins , n'en annonce aucune : nous n'oserions affirmer s'il
croyait-en Dieu; jamais il n'est question de providence; le
monde, dans ses idées, semble livré à une aveugle fatalité. Mais

  (1) (",. X V I .
  (2) C. XX.
  (3) C. UX.
  (A) <;. X�,V.