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302                    JACQUES LISFRANC.

   En l'année 1837, une illustre exilée, que l'indicible pres-
 sentiment d'une domination future rendait suspecte au gou-
vernement d'alors, eut besoin des secours de son art ; elle
appartenait à une famille dont l'étoile toujours restée brillante
dans le ciel semblait devoir seule un jour luire sur les des-
tinées de la France. Ces vagues et indicibles pressentiments
s'accréditaient par je ne sais quels indices cachés d'abord, puis
manifestés, annonçant des événements crus instinctivement par
le peuple, mais bien incroyables pour d'autres que lui. Cette
foi répandue dans les masses, sans trop préoccuper la police,
éveillait, néanmoins son attention. Il y avait à cet égard
quelque chose dans l'air, le peuple avait toujours devant lui
l'ombre errante de son empereur. Sa crédulité l'a toujours fait
vivre.
   Or, la noble proscrite avait besoin de ces soins chirurgicaux
dont la France seule possède le secret, et le privilégié déposi-
taire de ces voies secourables était Lisfranc, alors le premier
opérateur de l'Europe, devenu sans rival par suite du décès de
Dupuytren qui datait de deux ans. On s'adresse donc à lui, bien
que lié au gouvernement par des emplois à sa merci. Lisfranc
brave et quitte tout pour Arenenberg , où l'attendait Hortense
Eugénie de Beauharnais, autrefois reine de Hollande, mère du
prince Louis Napoléon.
   Hortense Eugénie de Beauharnais, fille de l'impératrice José-
phine et sœur de l'immortel prince Eugène, était appelée à de
bien hautes destinées ; elle s'en montra digne. Devenue par le
second mariage de sa mère avec le général Bonaparte, helle-
fdle du grand homme, elle fut 'l'ornement de la petite cour
consulaire, et bientôt de la cour de l'Empereur.
   Mariée à Louis Bonaparte, frère de Napoléon, devenu roi
de Hollande, elle regretta Paris; et l'esprit taciturne de son
mari et de ses sujets ne contribua pas peu à jeter quelque
trouble dans sa santé. Née à Paris, l'air de Paris lui était in-
dispensable pour respirer librement, et cet air-là lui fit défaut
pendant les deux tiers de sa vie.
   A la chute de l'empire qui emporta avec soi toutes les