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JACQUES LISFRANC. 287 est appelée à rendre à la société. Nos grands évoques , pour la plupart, ont eu d'avance leur petite chapelle et leur cathé- drale en joujoux ; vingt ans à l'avance, Jacques Lisfranc avait déjà ses amphithéâtres, ses cliniques, ses hôpitaux, sous le toit paternel et vers la grande lisière de peupliers de Saint-Paul. En 1800, la France commençait à renaître de sa crise de dix ans. La culture de l'intelligence qui, pendant cette convulsion terrible, semblait chose amortie et peine à peu près perdue, de même que semblait peine perdue et chose à peu près inutile la fortune et ses biens, tant alors la vie paraissait précaire, recom- mençait à redevenir un besoin plus impérieux que jamais ; mais les grandes institutions pour l'instruction de la jeunesse n'é- taient pas en rapport avec cette nécessité ; aussi les familles y suppléaient - elles par l'instruction particulière que donnaient quelques membres du nouveau clergé, ou quelques-uns de ces nombreux débris des ordres monastiques. Les liens de familles reprenaient peu à peu , dissous chez les uns par l'égoïsme de la peur ; par les dissidences politiques chez d'autres, et puis l'on avait peine à se dessaisir de ses enfants, objets de toutes ces longues transes, et sur le sort desquels on avait tant pleuré... ! Il y avait donc alors, sous l'influence dételles circonstances, beaucoup d'éducations particulières. L'instituteur prenait place au foyer et devenait membre de la famille. Les familles qui ne pouvaient en faire seules les frais, profi- taient du voisinage , et un modeste intérieur devenait, par cette réunion d'enfants, un petit Prytanée. C'est par là qu'a commencé l'éducation littéraire de Jacques Lis- franc. Il eut pour professeur M. Sabatier, qui a légué sa biblio- thèque aux Lazaristes de Valfleury ; et, par ses livres, on arrive à juger quel était le degré de science de cet homme érudit. Jacques Lisfranc fut ainsi élevé sous les yeux de son père jusqu'à l'âge de quinze à seize ans, époque à laquelle il entra en rhétorique au Lycée de Lyon. Ce n'était point un pauvre éco- lier que l'instruction privée livrait alors à l'instruction collective, en la personne du jeune Saint-Martin, un écolier redoutant la