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286                    JACQUES LISFRANC.
plication immédiate, le vieux docteur marchait toujours muni
de sa pharmacie ; et puis sa médication était assez simple pour
qu'une pharmacie de poche pût à peu près lui suffire. Là Flore
médicale de Pilât n'avait rien de jaché pour lui. Sa corbeille est
riche ; il savait en tirer un parti bien méconnu aujourd'hui, or,
de sa part, c'était, selon le poète, ramener l'art à sa sainte ori-
gine.
   Les enfants Lisfranc étaient au nombre de trois ; tous les
trois heureusement doués : une vive pénétration, une sensibilité
douce et irritable à la fois, l'amour du travail, l'envie de plaire,
le besoin de dominer, telle fut l'héréditaire transmission du mé-
decin de village à sa jeune famille.
    A cet héritage se joignait comme culture de ces belles intel-
ligences, et pour venir en aide au développement de ces facultés
heureuses, le bienfait d'entretiens fréquents de la part du père
 sur son art, avec ses trois enfants ; et ces trois enfants étu-
diaient, observaient.
    De là leur inspiration, leur génie pratique ; car le génie, selon
Goethe, est l'art d'utiliser ce qu'on a laborieusement observé ;
et ce génie était tel que, en l'absence du médecin, dans les cas
pressants, on ne craignait pas de prendre l'avis des enfants
Lisfranc, tout enfants, tout frivoles qu'on les voyait, jouant,
badinant à la cour ou au jardin de l'habitation de Saint-Paul.
    L'aîné, Jacques Lisfranc , avait, entr'autres badinages , des
fragments de squelettes du cabinet de son père ; le père lui
donnait ensuite comme tâche et devoir, ce que dans nos cam-
pagnes on appelle le rhabillage. Les poules, les canards de la
basse-cour, les oiseaux blessés à la chasse, les chiens et les
chats de la maison, ceux mêmes de tous les voisins pouvaient
impunément avoir ailes, pieds ou pattes cassés. Le futur major
de la Pitié les restituait dans leurs membres perdus, avec ses
réductions, ses pansements et ses ligatures d'une exécution sûre
 et hardie, merveilleuse pour cet âge.
  Qu'il serait à désirer que tous les amusements de l'enfance
ne fussent jamais que des préludes aux professions qu'elle doit
exercer plus tard dans le monde, comme aux services qu'elle