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                           CHRONIQUE THÉÂTRALE.                              181
térieure ne laisse pas que de refroidir singulièrement la faculté esthétique.
Si, en ces matières, le beau est l'accord expressif du tout avec ses parties,
comme dit l'école, Hme Cabel mérite bien les ovations qu'elle obtient cha-
que soir. Là est le secret de la puissance attractive qu'elle exerce sur le
public.
   D'abord, sa voix constamment pure et limpide est tout à fait de ia famille
de celles pour lesquelles on a inventé la métaphore de voix de cristal; elle
esl de la nature de ces voix qui répandent le frais dans la salle, comme
celle de l'Alboni, par exemple. En l'écoutant, on se rappelle les deux vers
suivants d'Hugo, où le poète exprime le plaisir de rêver :


            Quand le bruit du vent coupe, en strophes incertaines,

           Cette longue chanson qui coule des fontaines-




    A celte fraîcheur naturelle de l'organe se marie beaucoup d'art. Il esl dif-
ficile de pousser plus loin qu'elle ne le fait la science des vocalises, qui sont
comme la coquetterie de la voix. Quelle précision ! quel fini! quelle sûreté!
Les fioritures débordent, les trilles frémissent comme des ailes d'oiseaux, et,
sous ces broderies multipliées, jamais le tissu de la voix ne cède ou ne s'é-
raille; les notes jaillissent à souhait. L'auditeur ne tremble pas; la canta-
trice sait lui communiquer sa sécurité, eu même temps qu'elle étonne son
oreille et lui fait admirer ses hardiesses.
   Quant à son jeu il est très-suffisant; on pourrait lui souhaiter plus d'en-
train, plus de brio, plus d'aisance , mais il ne manque ni de finesse, ni de
distinction ; il y a bien longtemps que nous n'avons rencontré une artiste d'o-
péra-comique s'inquiétant tant soit peu du dialogue. Mme Cabel est, sous ce
 rapport, de beaucoup supérieure à ses devancières. Elle a de plus la grâce,
la jeunesse, un extérieur charmant, un air de bonne humeur très-syropa-
tique, des toilettes de bon goût, et, sous la poudre, on la prendrait pour un
portrait du XVIIIe siècle, peint par NYateau, retouché et un peu agrandi par
Ruhens , le peintre de la patrie de notre cantatrice. Nous pouvons donc
pour cet hiver nous promettre de bonnes soirées; bien secondée par MM. Fro-
manl et Dubose , elle fera le succès de noire Grand-Théâtre. De la troupe
du grand opéra nous avons peu de chose à dire puisque la composition est
la même que celle de l'année dernière. Mentionnons toutefois la rentrée de
M. Duprat, artiste d'un vrai mérite , pour lequel le'public nous a semblé
bien injuste. M. Sainte-Beuve citait, l'autre jour, ce précepte littéraire de