Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                  DE LA V1K DE J.-'J. ROUSSEAU.                  87

 de temps nous instruit davantage du caractère habituel de
 l'homme.
    A l'époque où le vient prendre ce récit de M. Ducoin, il était
 dans sa cinquantième-sixième année, et il avait publié les ou-
 vrages qui ont fait sa douloureuse célébrité. C'est le moment où
 nous manquons de renseignements sur les divers incidents de
 sa vie, et par conséquent le récit qu'on nous donne, est d'une
 valeur incontestable: je crois déplus qu'il mérite toute créance.
    Le 7 juillet 1768, Rousseau, quittant Lyon où il avait résidé
 plus d'une fois, se rendait avec quelques personnes de cette
 même ville au couvent de la grande Chartreuse; cette excursion
 n'était que le début d'un voyage que Jean-Jacques avait résolu
 de faire en Dauphiné, sans doute afin de s'y livrer à sa passion
 pour la botanique. 11 était adressé.de Lyon à une famille de
 Grenoble, dans laquelle il y avait un avocat au Parlement de
 Dauphiné, Gaspard Bovier. Ce sont les rapports de Jean-Jacques
 avec ce magistrat et les diverses particularités du séjour de l'au-
teur des Confesssions à Grenoble et en Dauphiné, que, pour la
 première fois, on révèle au public, d'après le manuscrit de
Bovier lui-même. Ce manuscrit, qui avait appartenu à un bi-
bliographe distingué, M. Colomb de Batines, se trouve aujour-
d'hui aux mains de M. Ducoin, et nous en avons maintenant
le contenu, non pas dans sa rédaction trop informe, mais avec,
quelques arrangements qui n'altèrent en rien la sincérité du fond.
    Rousseau ne voyait partout que des ennemis acharnés à sa
perte, et une susceptibilité puérile, misérable, odieuse ne tardait
pas à le brouiller avec les hôtes les plus dévoués. Il aimait, ce
semble, l'éclat de ces ruptures, et était ingénieux à trouver des
motifs là où d'autres n'en auraient pas vu l'ombre. Ce qui n'é-
tait qu'attentions délicates, égards assidus, lui paraissait destiné
à faire peser sur sa tète la supériorité de plus puissants et plus
riches que lui ; ce qui n'était que familiarités simples d'égaux
ou prévenances d'inférieurs, se transformait à ses yeux en je
ne sais quelles trames et quels complots, où était en jeu son
honneur et sa réputation.
   Pouvait-il donc arriver moins au pauvre avocat Bovier?