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274         SUR L'ENSEIGNEMENT DE LA PEINTURE.
 écoles et par nos académies de peinture? elles n'ont fait que
 multiplier les médiocrités. En regardant le passé , voyons-nous
 que la France ait jamais manqué de grands talents nécessaires
 à l'État !... Le génie se développe par des causes sur lesquelles
la science des hommes ne peut rien, et que nos écoles ne feront
jamais naître. En voulant hâter la marche de la nature, on
 n'obtient que l'avortement ; les génies trop précoces ne tiennent
jamais ce qu'ils semblent promettre. C'est à ce sujet que je
 hasarde qulques réflexions qui pourraient servir, sinon à arrê-
ter, du moins à calmer, l'espèce d'effervescence qui porte au-
jourd'hui la plupart des jeunes gens à l'étude d'un art qui ne
peut être compris et cultivé que par un très-petit nombre d'élus.
   De tous les arts, la peinture est celui qui semble réunir le
plus de difficultés, non qu'il faille pour cela l'élever au-dessus
des autres, au contraire, la poésie tient le premier rang , pré-
cisément parce qu'elle n'exige aucune étude manuelle et qu'elle
naît avec la pensée dans le cerveau du poète. En ellét, quel est
Je mécanisme de la poésie ? Une combinaison , un arrangement
de mots, un rhythme, une mesure qu'il est facile de démontrer,
môme à un enfant ; tandis que la peinture a besoin de toute
l'adresse de la main de l'ouvrier ; et quelle que soit la dextérité
dont la nature a pu le douer, il lui faut encore de longues an-
nées d'étude pour apprendre à tenir un pinceau et à en tracer
seulement un objet inanimé.
   Les grandes difficultés qu'il faut vainere pour acquérir quel-
que adresse' dans le mécanisme de cet art, furent d'abord ce qui
excita l'admiration dans les ouvrages des premiers peintres, à
l'époque de la renaissance des arts en Italie ; delà le nom d'ar-
tisans qu'ils conservèrent, même en France, jusqu'au grand
siècle de Louis XIV. Tout le monde connaît l'anecdote du Giotto ,
qui, flatté d'être mandé à Rome par le Pape , pour exécuter au
Capitale quelqu'ouvrage de sa main, pensa ne pouvoir mieux
faire connaître toute l'étendue de son talent qu'en traçant un
cercle, sans compas, en présence des envoyés de sa Sainteté.
 Certainement on jugerait bien mal aujourd'hui de l'artiste qui
emploierait un pareil moyen pour faire connaître son génie. Cette