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234          CHATEAUBRIAND, SA VIE ET SES ÉCRITS.
    Les études de M. Collombet sont vastes : son livre est un
tableau vivant delà société lettrée sous la Révolution, l'Empire
et la Restauration. Tous les hommes qui se sont fait un nom
par leurs talents , pendant ces trois mémorables époques, y
occupent une place, et on peut les connaître sans avoir pris la
peine de les lire. Le rôle qu'ils y jouent ne nuit point à celui
du personnage principal : au contraire, la grandefigurede Cha-
teaubriand semble y gagner.
    Ce qui nous a plu par dessus tout, et ce qui plaira sûre-
ment à tous les hommes de principes, c'est la fière indépen-
dance avec laquelle l'auteur traite les personnages qui se
meuvent sur cette scène. C'est merveille de voir comme ces
courtisans qui ont adoré tant d'idoles, Comme ces politiques
qui ont usé tant de serments, comme ces écrivains qui ont
proféré tant de blasphèmes, passent tour à tour par les verges
d'une juste, mais impitoyable critique. En attendant un Tacite
 qui les peigne, M. Collombet en a tracé un croquis qui peut
aider à prendre patience.
    Souvent au milieu de ses appréciations, l'auteur laisse penser
qu'il aime Chateaubriand du fond de son cœur, qu'il a pour son
talent et son caractère une instinctive admiratien ; en effet,
M. Collombet a beaucoup connu le grand écrivain, et était
entré fort avant dans son intimité, comme l'atteste la corres-
pondance, éditée à la fin du volume. Toutefois, cette sympathie
si naturelle ne l'empêche pas d'être juste, sévère même envers
l'illustre mort ; il loue son talent, sans en cacher les défauts ; son
 caractère, sans en dissimuler le faible. C'est ainsi qu'il faut louer.
    S'il nous était permis de désirer quelque chose, dans une
œuvre qui captive notre estime à tant d'égards, c'est que l'au-
teur, à la sagesse des principes, à la justesse des appréciations,
à l'érudition littéraire, à la pureté, a la limpidité du style eût
ajouté un peu plus de chaleur et de mouvement.
    M. Collombet a déjà donné au public un grand nombre d'ou-
vrages dont les lettres s'honorent. A notre avis, ce dernier est
le plus beau.                               L'abbé CHRISTOPHE.