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              CHRONIQUE THÉATR,\LE.
                           M™ ROSE-CHÉRI.
   Le public juge avec ses souvenirs, et la critique est bien forcée de faire un
peu comme le public. Au théâtre, dans les cercles, dans la r u e , partout ,
qu'cntcndelle ? sinon l'éternel parallèle de 5i1!e Melcy et de Mme Rose-Chéri.
Au lieu de s'efforcer de dégager une critique plus haute de la comparaison de
ces deux artistes, on fait de M lle Melcy le critérium de M me Rose-Chéri, et
vice versa.
   C'est' un proverbe que les absents ont tort. A Lyon, c'est presque toujours
le contraire qui est vrai. Nos compatriotes sont lents à se laisser prendre ;
mais une fois pris , c'est pour longtemps. L'inconstance n'est pas leur fait.
N'avons-nous pas décerné aux demoiselles IHilanollo un de ces triomphes
inénarrables comme un artiste n'en rencontre pas deux dans sa vie ! Ce triom-
 phe menaçait de n'avoir pas de fin, non qu'il faille insinuer de là que celles
qui eu étaient l'objet ne l'eussent point mérité ; qui oserait nier le talent de
Teresa, si délicat, si pathétique, si expressif? ,1'établis seulement que notre
engouement ou notre enthousiasme à leur endroit a dislancé tous les enthou-
siasmes du monde. Les Lyonnais avaient fini par s'imaginer, je crois , que
Teresa était leur œuvre, sinon leur compatriote, et ils la traitaient comme leur
propre fille. Sa gloire était la leur. I! en a été de même de Mlle Melcy. Tous
tanlque nous sommes, l'avons-nous adulée, choyée, caressée ! Qui fut penaud
un beau jour? ce fut Paris, éveillé au bruit de nos applaudissements, et appre-
nant tout à coup qu'il avait perdu la perle de ses théâtres, l'actrice sans
seconde, et que la bonne fortune de l'avoir recueillie nous était échue ,
a nous autres Lyonnais qui n'en- étions pas digues. La vérité est que Mlle
Melcy avait beaucoup appris à l'école de Mme Rose-Chéri , dont elle avait vu,
au Gymnase, se dérouler sous ses yeux tout le répertoire. Les représentations
de celle-ci nous l'ont bien prouvé.
    Après le succès de Bl1!e Melcy, et pour ne pas trop laisser refroidir nos
 imaginations, M. Deleslang , en habile joueur qui suit la veine, nous
avait donné !Hme Paul-Ernest :. un talent d'un naturel exquis , plein de
 bonne humeur et de grâce (lammande; niais entre l'a nouvelle venue et le pu-
blic flottait encore le magique fantôme de &l"e Melcy. Le public a fait le ren-
chéri; le directeur, sans se déconcerter, poursuit sa martingale dramatique,
il nous donne cette fois M"*6 Rose-Chéri, un talent hors ligue, couronné,
consacré , sur la valeur duquel il n'y a pas de débals possibles. Eh bien ! le
public, au lieu de s'abandonner à ses impressions, de rire et de pleurer , de
se réjouir, le public obsédé par sou antique et gracieuse vision, discute, com-
pare, dogmatise. Il l'ait l'esthétique du vaudeville, il pèse dans sa lourde ha-