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144 INFLUENCE DE LA LITTÉRATURE. s'est amendé, mais c'est M. Véron qui avait commandé le Juij^ Errant, et M. Thiers qui en avait soufflé quelque chose. Les élé- gants seigneurs du Journal des Débats n'avaient-ils pas ac- cueilli dans leurs colonnes les Mystères de Paris ? Il y a eu un instant, un instant de quelques années , où l'on eût dit que 1a France avait un immense besoin qu'on lui contât des contes pour l'endormir : elle ne s'est réveillée qu'au bord d'un abîme. On a senti alors que les folles et coupables théories des romans se traduisaient en révolutions sanglantes, et l'on a au moins donné raison aux esprits réputés chagrins et petits qui aver- tissaient du danger. Des journaux religieux avaient même été emportés par le vertige du roman et avaient contracté des mar- chés avec des hommes du métier pour l'ébattement et l'in- struction de leurs lecteurs. A la grande gloire des doctrines combattues par le roman, il faut dire que plus d'une fois le-romancier se vengeait de Jg. société et de la contrainte de ses institutions. Il est assez naturel de ridiculiser le mariage, lorsqu'on en a brisé les liens : alors on écrit Indiana, Mais que, en menant une vie de Sybarite, on ar- range une fable sans fin ni vraisemblance pour vouer au mé- pris et à la haine une classe d'hommes que l'on dit être les fau- teurs de la morale relâchée, je ne sais plus comment cela s'ap- pelle; c'est toutefois ce que nous avons vu. J'ai rapidement couru sur les divers points que M. Menche de Loisne a traité dans son livre. Ce livre est honnête, et j'entends ainsi en faire le plus grand éloge ; il est écrit, en général, avec élégance, parfois avec chaleur, et enfin il peut être à beaucoup de gens un avertissement profitable. Cependant, les critiques de M. Menche sont, dans certaines bornes, des critiques d'artiste*; il y manque ces haines vigoureuses que demandait l'abaissement d'une littérature qui trop souvent a tenu boutique ouverte, sans plus de façon qu'un marchand de sucre et de cannelle. Il y a des lacunes, et il devait y en avoir, car, ces derniers temps, la lit- térature a été partout, dans les académies, dans les livres, sur. les théâtres, dans les journaux, dans cette immense quantité de papier qui s'envolait de la presse pour circuler en des milliers