page suivante »
114 DE L'HISTOIRE donner une série de monographies, fort estimables d'ailleurs, sur les divers systèmes qui se sont succédés ; il a senti que l'his- toire qui ne dévoile pas un progrès réel dans des idées qui par- tent de tel point pour arriver à tel autre, n'est pas une véritable histoire ; il a cherché sérieusement quel fut le résultat de ces longues et vives discussions qui ont tourmenté, cinq siècles du- rant, la pensée humaine. Mais, comme l'ont remarqué très- judicieusement MM. Simon et Saisset, la théorie nominaliste n'est pas seulement une erreur, c'est l'abdication de la méta- physique entre les mains d'un scepticisme qui n'ose s'avouer à lui-même. Or, M. Hauréau ne s'en cache pas, il est no- minaliste : il ne voit dans la longue et ardente discussion des Thomistes et des Scotistes que la continuation de la lutte com- mencée entre C. de Champeaux et Roscelin; la révolution phi- losophique du XVIe siècle, c'est tout simplement, à ses yeux, le dénotaient de cette lutte, par la victoire définitive du no- minalisme. Cette idée, parfaitement claire et toujours présente dans le cours de l'ouvrage, lui donne une sorte d'unité et d'in- térêt dramatique ; mais elle lui ôte, en grande partie du moins, son intérêt philosophique. Quoi.' se dit en lui-même le lecteur, tant de métaphysique, pendant des siècles, pour aboutir à la né- gation de toute métaphysique ! Si le monde marche et marche indépendamment de ces hautes spéculations de philosophie qui, suivant le nominalisme, l'agitent sans l'éclairer, qu'importe leur stérile histoire ? Il ne vaut guère la peine, on en conviendra, de pénétrer, dans leur sens intime, tant de doctrines oubliées, si ces doctrines ne peuvent contenir que des erreurs et si le pro- blème éternellement agité par tous les esprits sérieux, grands ou petits, reste éternellement insoluble. Au point de vue du système préconisé par M. Hauréau, l'histoire perd fatalement sa signification, et l'étude de la scolastique, comme celle de toute philosophie, incapable de rien apprendre, est bonne tout au plus à désabuser l'esprit humain du sentiment de sa force et à le distraire de ses ennuis. Nous pouvons donc affirmer que, jusqu'ici, non seulement on n'a pas fait l'histoire de la philosophie du moyen-âge, mais