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       DE L'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE SCOLASTIQUE.             113

peut apprécier, bien plus, que l'on ne peut connaître l'œuvre
d'un métaphysicien qu'en la rapportant à l'œuvre générale de
la pensée humaine, pendant une période donnée. Les mono-
graphies, qui ont une valeur incontestable pour vérifier une loi
historique, sont donc incapables de la faire découvrir ; autant
elles sont utiles et fécondes, lorsqu'elles viennent après une étude
comparée des faits et des idées, autant elles sont impuissantes
et stériles lorsqu'elles viennent avant. Elles ne savent pas même
alors constater les principes essentiels qui se trouvent au fond
d'un système, parce qu'elles manquent d'un critérium pour dis-
cerner ces principes. On n'observe bien que lorsqu'on a un
point de vue pour observer.
    II est vrai qu'outre ces monographies nous avons des études
beaucoup plus profondes et beaucoup plus utiles sur l'histoire de
la scolastique : d'une part, la belle Préface que M. Cousin a insérée
 en tête de ses Fragments inédits d'Abailard ; d'autre part, l'ou-
 vrage tout récent de M. Hauréau, un des plus remarquables,
 sans contredit, que l'Académie des sciences morales et politiques
 ait depuis longtemps honoré de ses suffrages.
    Ces deux ouvrages, le premier surtout, sont d'une telle im-
 portance que, désormais, nous ne craignons pas de le dire, il sera
 impossible de tenter une histoire de la scolastique sans les étu-
 dier comme on étudie les monuments originaux eux-mêmes.
    Cependant, il faut remarquer que M. Cousin n'a donné dans
 l'admirable Préface dont nous avons parlé qu'une histoire du
 XIIe siècle, et que la philosophie du XIIe siècle, malgré sa va-
 leur, un peu exagérée peut-être, n'est que la préface de la vraie
 scolastique, celle qui se présente à nous avec ses deux maîtres
 illustres, Saint-Thomas et Duns Scot ; celle qui a régné, en se
  modifiant, jusqu'à la grande révolution que le XVIe siècle a
  commencée, que Descartes a organisée, et qui n'a dit son der-
  nier mot que par Leibnitz.
     Quant à M, Hauréau, il a bien embrassé, dans le cadre de son
  ouvrage, l'histoire entière de la scolastique; il a insisté avec
  raison sur les grands docteurs du XIIIe siècle; il ne s'est pas
  contenté, comme un des ses devanciers, M. Rousselot, de nous
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