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SUR LE POUVOIR TEMPOREL DE LA PAPAUTÉ. 59 Chaque siècle en développe une face, un rapport, en élargit la sphère ; c'est le tribut qu'il lui paie en passant. Elle progresse lentement parfois, cette puissance, mais elle s'arrête jamais et finit par subjuguer le monde. Maintenant l'univers est à ses pieds. Les uns après les autres, comme par imitation, la plupart des royaumes connus se sont rangés sous son autorité. Les monarques les plus renommés ne se croient monarques qu'à demi, s'ils ne tiennent d'elle leur couronne, s'ils ne partagent l'honneur de lui faire hommage de leur état. Protégés par cette puissance, les faibles semblent n'avoir plus rien à craindre ; ap- prouvés par cette puissance, les forts s'estiment invincibles. Par- tout où se présentent ses envoyés, ils sont reçus comme les ambassadeurs de Dieu lui-mêmes. Ils élèvent la voix, et leurs paroles tombent comme des oracles ; ils menacent et tout trem- ble ; ils décident, et l'on regarde leur décision comme un arrêt descendu des deux, tant la puissance qu'ils représentent donne à leur caractère je ne sais quoi de divin. C'est aux mains des ministres de cette puissance que la direction des affaires les plus importantes de la Société est remise. A la cour, dans les camps, comme au milieu des conciles, tout est modéré par eux. Il font la paix et la guerre, ils se mêlent aux détails les plus minutieux de l'administration civile ; ils dictent les lois, ils sont l'âme de toutes les entreprises; ils agitent tout, pacifient tout, règlent tout, selon la volonté suprême de cette puissance ; une seconde fois, Rome est devenue le centre et la maîtresse du monde. Et, chose remarquable! cette puissance ne doit rien aux moyens par lesquels les autres se fondent, se maintiennent; elle n'a point d'armée à ses ordres, elle ne menace point les adversaires qui lui résistent de porter chez eux la désolation et la mort. C'est par des moyens tout spirituels qu'elle procède, c'est par l'expres- sion simple de sa volonté qu'elle attaque ou se défend. Elle lance un décrétale ou elle envoie un légat, et elle est sûre de se faire obéir. Certes, ils ont plus d'esprit qu'on ne saurait le dire, ceux qui expliquent les prodiges de Cette puissance par l'am- bition d'une part et l'ignorance de l'autre ! On serait en droit de leur demander aussi comment il s'est fait que l'ambition