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60                          ESSAI HISTORIQUE
qui produit le despotisme et l'ignorance, qui enfante les ténè-
bres, ait pu sauver la liberté des peuples et préparer les lumières
de la civilisation.
   On s'accorde à reconnaître le commencement du XIIIe siècle
et le pontificat d'Innocent III comme l'époque où la puissance
temporelle de la papauté atteignit le point le plus élevé de son
progrès. En effet, si le génie transcendant d'Innocent Hl'ne réus-
sit point à l'affranchir de toute opposition, il lui donna partout
une supériorité irrésistible. Pendant les dix-huit années qu'il
occupa la chaire de saint Pierre, ce pontife gouverna réellement
le monde comme un roi ses états. Sans quitter son palais de
Latran, il fit sentir son pouvoir aux régions les plus éloignées ;
il inaugura un nouvel empire en Orient, créa un empereur d'Al-
lemagne , humilia Philippe-Auguste, le plus fin des souverains,
châtia le foi d'Angleterre, précipita une troisième fois l'Occident
sur l'Asie. Rien ne lui résista. Mais, avant de mourir, il avait
préparé à l'Eglise romaine, dans la personne de Frédéric II, un
ennemi qui ne devait pas la laisser jouir longtemps en paix des
fruits d'un si beau règne. La guerre que lui déclara bientôt ce
prince, élevé à l'ombre du sanctuaire, fut la plus acharnée et
la plus terrible de celles qu'il avait jusque-là éprouvées. Gré-
goire IX et Innocent IV la soutinrent avec une hauteur de cou-
rage digne de Grégoire VII. Elle devait être la dernière. Inno-
cent IV eut la gloire de la terminer, en excommuniant Frédéric
au milieu du premier concile général tenu à Lyon. Jamais vic-
toire remportée par le Saint-Siège n'avait été plus décisive pour
son autorité, ni plus funeste à ses ennemis. Le jour, où après
 avoir entendu la sentence du pontife, tous les Pères semblèrent
la confirmer, en renversant leurs flambeaux, parut si terrible
 aux témoins de cette lugubre scène, qn'un d'eux lui appliqua, à
haute voix, les expressions dont les saintes Ecritures se servent
pour désigner le jour du dernier jugement (1). En vain Frédéric
voulut résister, son génie l'abandonna avec la puissance ; la ma-
lédiction du ciel semblait être descendue sur lui avec la sentence
du pape, et il expira bientôt après de honte et de chagrin.

     (I) Mailheus faits, ad ann. 1245.