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                          LE SACRILEGE

Les maisons des curés, leurs champs et leurs jardins.
 Dans ce pays, on croit encore à des sottises.
J'ai brisé les vieux saints, j'ai brûlé les bons-dieux.
Mais il reste une croix, là haut, sur la colline,
Près de ces peupliers ; et les séditieux,
Bigotes et bigots, vont, la nuit, en sourdine,
 Y marmotter des mots que je ne comprends pas,
 Mais qui sont, j'en suis sûr, contre la République.
Suivez-moi, citoyens, je veux la mettre à bas,
 Et le district pana mon courage civique. »



Il dit., prit un levier au chantier d'un maçon,
Et chantant, ouplutôt braillant la Marseillaise,
Suivi de ses amis braillant à l'unisson
Et portant sur l'épaule, afin d'être à leur aise,
La carmagnole usée, il marcha vers la croix,
Par un étroit sentier. Dés qu'il fut devant elle,
 Il lui montra lepoingen blasphémant.
                                         « Je crois, »
 Dit-il, « aux droits de l'homme, à la bible nouvelle,
 La constitution, et je vais te briser
 Vestige d'un passé maudit, idole infâme,
 Quand Jésus sous ton poids me devrait écraser,
 Et le diable emporter mon corps avec mon âme! »



 A ces mots, fou de rage, et sans rien calculer,
 Il frappe du levier, frappe encore, s'arrête,
 Puis redouble et, voyant la pierre chanceler,
 Veut s'écarter. — Trop tard. — Un fragment à la tête
 L'atteint et le renverse. Il fait un vain effort
 Pour se lever. Son sang d'une large blessure
 Coule à flots... Ses amis s'approchent... Ilest mort.
 La justice de Dieu,parfois tardive, est sûre.
    N» S4. - Juin i8S>.                               28