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LA TERRE PLUS VIEILLE QUE LE SOLEIL 405 dans le milieu où l'on agit, on s'explique la lenteur avec laquelle peuvent se dégager les idées un peu exactes. D'ailleurs, notre faible nature est tellement environnée de préjugés, tellement aveuglée par les illusions, très souvent tellement faussée par l'éducation première, que l'on doit reconnaître que le temps doit bien souvent manquer à la plupart des hommes, pour arriver à s'instruire suffisamment d'abord de la science de tous leurs prédécesseurs, puis à fournir beaucoup par eux-mêmes. Dans toutes les branches de l'enseigne- ment, les données premières sont présentées avec des allures telles qu'elles doivent fausser notre esprit au lieu de le développer. Pre- nons quelques exemples. En géographie, la première carte de nos atlas est intitulée : « Monde connu des anciens ! » Comme si les an- ciens ne connaissaient pas tout le monde qu'ils habitaient. C'est nous qui connaissons peu les travaux des anciens. Il est fort probable que si, par exemple, la bibliothèque d'Alexandrie n'avait pas été brûlée, un demi-siècle avant notre ère chrétienne, les cartes que nous fournis- sons à nos enfants pour leurs débuts auraient une toute autre tour- nure. Il n'y a pas longtemps que nos cours d'histoire étaient plus ou moins illustrés de têtes de rois de France, tous vêtus de la même hermine et de la même couronne. L'étude de l'astronomie se fait encore aujourd'hui par les mouvements apparents, tout aussi bien qu'au temps de Ptolémée. Enfin, tout dernièrement, h mécanique et la physique, faisant du coup la conquête d'une théorie nouvelle, non moins fertile en conséquences que celle dont je parlais tout à l'heure, on s'est empressé d'appeler : « équivalent mécanique de la chaleur, » ce qui eût dû s'appeler inversement : « équivalent calori- fique de la force, » puisqu'on proclame qu'il n'y a dans notre uni- vers que matière animée de mouvement, et que, par conséquent, la chaleur n'est qu'un effet et pas une cause. On pourrait citer quantité d'autres exemples. Toutes ces illusions ont leur origine dans notre nature humaine bornée, dont les yeux sont habitués à voir diminuer, avec une rapidité surprenante, sui- vant les lois de la perspective, tout ce qui s'éloigne d'elle. Les idées cosmogoniques des anciens, idées qui enfantèrent les absurdités du polythéisme, avaient naturellement pris naissance