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Lettre à M. Clair TISSEUR MONSIEUR ET CHER CONFRÈRE, ous avez bien voulu m'adresser les deux volumes des poésies de Jean et Barthélémy Tisseur, que vous et votre frère avez recueillies avec un soin jaloux, et que vous publiez aujourd'hui. Laissez-moi vous dire tout le plaisir que m'a fait cet envoi, et vous remercier pour le charme pro- fond que j'ai ressenti à lire en leur intégrité ces vers que je ne con- naissais encore que par des fragments. En même temps que vous accomplissiez une tâche que la piété envers vos chers morts a dû vous faire paraître bien douce, vous avez rendu aux lettres un réel service. Je dis à dessein : aux lettres, sans épithète. Car ce n'est point aux limites de leur ville natale que doit s'arrêter le légitime retentissement des œuvres de vos frères, maintenant que, réunies en un faisceau, elles pourront, avec plus de facilité, être mises sous les yeux de tous. Si, durant leur vie, toute de travail, de modestie, de silence, si différente de notre existence actuelle, ils ont eux-mêmes pris à tâche en quelque sorte de voiler leurs productions, comme si le Cano mihi et musis eût été leur devise, aujourd'hui il n'en doit plus être de même. Il nous appartient de mettre en lumière ces poètes volontairement obscurs. Pourquoi, hélas '. faut-il que pour eux aussi la gloire soit cette plante tardive qui ne croît que sur les tombeaux ? Si je ne m'étais fait une loi de ne rien dissimuler de ce que je crois vrai, je ne vous dirais point, de crainte de blesser votre modes- tie, quel intérêt ajoutent à l'ouvrage les lumineuses préfaces, encore trop courtes à mon gré, en dépit de leurs dimensions, que vous et votre frère avez mises en tète de ces deux volumes. Grâce à vous,