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        LA VIE ET LES OPINIONS DE CHRISTOPHLE DE GAMON              345

    Ce retour de Christophle de Gamon aux idées graves et sérieuses
ne paraît pas avoir été passager, car nous trouvons dans la préface
de la première édition de la Semaine, quelques lignes qui sont un
désaveu formel de la première partie du Jardinet de poésie, ou peut-
être du Verger poétique.
    « Cet enfant, toutefois, » dit-il, en parlant de la Semaine, « bien
que le dernier de ma Muse, se promet d'estre son aisné : luy fait
dézavoûer ceux qu'elle a trop tostmis au monde, et estoufer, comme
avortons, ceux qui estoient prêts à naistre. De ce nombre est un
brouillard qui s'est esgaré, que j'avois, il y a longtemps, forgé à la
haste et armé à la légère, pour blasmer et combatre l'amour. C'estoit
un enfant, né d'un enfant, pour faire la guerre à un enfant, et qui
n'avoit encore ny force ny adresse. Pour ce mon humeur ne se pou-
vant plus repaistre de si peu de suc, en a fait souscrire à ma plume
l'arrest de condamnation, afin que si quelqu'un le mettoit encore au
monde, l'on vist que je luy ay donné la première et plus rude cen-
sure       »
   Christophle de Gamon était protestant, mais nous devons cons-
tater, à son honneur, que, dans ses ouvrages, comme dans ceux de
son père, il est presque impossible de reconnaître à quelle confes-
sion l'auteur appartient. Ce qu'on y voit, avant tout, c'est l'amour
de la paix et la haine des turbulences de parti. Aucune invective
contre les croyances qui ne sont pas les siennes. La réserve du poète
est d'autant plus louable qu'on ne peut l'attribuer à la crainte,
puisque tous ses ouvrages ont été publiés sous le règne d'Henri IV,
alors que les protestants jouissaient d'une parfaite liberté religieuse.
Comme son père, il avait compris qu'il y a non seulement plus de
bon sens, mais plus de véritable esprit chrétien, à se tenir à ce qui
rapproche qu'à chercher ce qui divise. On voit dans ses écrits qu'il
avait le respect de toutes les croyances sincères. Il n'y a qu'une
chose qu'il n'admet pas, c'est l'intolérance. Son poème des Maccha-
bées, dans la Muse divine, est une protestation indirecte contre les
persécutions auxquelles ses coreligionnaires avaient été en butte, au
commencement de la Réforme, et une glorification de ceux qui
étaient morts pour leur foi. La Muse divine nous montre le poète