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LA VIE ET LES OPINIONS DE CHRISTOPHLE DE GAMON 339 dès 1598, au lendemain de la mort de son père, en relations au moins difficiles avec eux ? Ce qui nous a le plus frappé dans l'œuvre du vieux poète vivarais, c'est, avec sa verve poétique, l'étendue de ses connaissances. Gamon avait fait évidemment une étude particulière de la médecine, de l'astronomie et des sciences naturelles. Les Pescheries nous le montrent fort au courant, non seulement de l'ichthyologie, mais de toute la science zoologique, de la botanique, de la pharmacie et même de la météorologie, (car il y a un de ses pêcheurs qui en remon- trerait à Mathieu de la Drôme,) d'une façon remarquable pour l'époque. La Semaine révèle une instruction encore plus étendue avec un jugement plus mûr. On comprend, d'ailleurs, tout ce qu'il fallait d'études sérieuses pour aborder un pareil sujet, car ce poème n'est autre chose qu'un véritable traité de cosmogonie, conçu dans le sens des idées nouvelles que venait d'émettre Copernic. Avons- nous besoin d'ajouter qu'il fallait, de plus, une certaine dose de courage pour se mettre ainsi en révolte ouverte contre la lourde tyrannie des erreurs et des préjugés qui composaient le bagage scien- tifique du xvic siècle, et dont du Bartas s'était fait le hérault poétique ? C'est à cause de la variété et de l'étendue des connaissances de Gamon que nous serions tenté de croire qu'il a été médecin plutôt qu'avocat, si, d'autre part, le fait de ses livres imprimés à Lyon, Niort et Genève, son ode sur les embellissements de Paris, les voyages qu'il paraît avoir faits, son attachement à Henri IV, et enfin un mot de la préface de la Semaine ( i ) , où il dit que, en publiant cet ouvrage, « il couvrira sa hardiesse, non de la prière des amis ny du commandement des supérieurs, prétextes aussi frivoles qu'ordinaires, mais d'un dézir de plaire et de profiter, » ne tendaient à faire supposer qu'il a occupé une fonction publique, et c'est, en somme, jusqu'ici, surtout si l'on se rappelle qu'il était allé étudier à Mont- pellier « la practique des finances, » celle de toutes les hypothèses qui nous paraît la moins invraisemblable. (1) Édition de Lyon et de Genève, 1609.