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FRANÇOIS COPPEE ET SES ŒUVRES 25 5 l'un des chefs du parti national, Gian-Battista Torelli. Au moment où le bourreau allait le frapper, Spinola lui fit grâce. L/austère patriote a vécu depuis confiné dans son palais; mais quelques mois après, un fils lui naissait, et le peuple de Pise voit en ce fils le vengeur désigné de l'honneur national. Elevé dans cette pensée, le jeune Severo Torelli accepte d'avance ce rôle; intrépide, généreux, il est prêt, et n'attend que l'occasion de prendre sur Spinola la revanche de cette inaction douloureuse à laquelle le bienfait d'un tyran a condamné son père. Cette occasion s'offre. Le bruit de l'invasion de Charles VIII en Italie s'est répandu et se confirme. C'est le mo- ment d'agir. Quatre jeunes gens s'unissent dans une conspiration. Severo, leur chef, doit porter le premier coup. Le vieux Gian-Bat- tista bénit l'entreprise; mais reste sa mère, Donna Pia. Dans un entretien terrible, elle révèle à son fils et le mystère de sa naissance, et le secret de la clémence inexpliquée de Spinola. Folle de douleur, Donna Pia était allée implorer la grâce de son époux; le tyran la lui fit payer de son honneur, et le terrible cas de conscience, qui, dans la Mort de César de Voltaire, retient Brutus prêt à frapper, se pose aussi, au milieu d'atroces angoisses, dans l'âme de Severo Torelli. Cependant les événements se précipitent. Avec ce mélange de dévotion superstitieuse, de cruauté et de corruption dont les annales italiennes nous offrent maint exemple, Spinola chaque soir, dans une chapelle souterraine du Dôme, va prier devant, la châsse de Sainte-Catherine. Suivant un antique usage on ne peut pénétrer dans la chapelle que sans armes. Le moine qui introduit Spinola a offert aux conjurés de l'y enfermer, et de le livrer ainsi aux mains de Severo Torelli. La résolution doit donc être prise sans délai. Au moment décisif, un jeune artiste pisan offre à Severo un poignard où est sculptée la tête de Brutus. Cette étrange coïncidence entraîne Severo; il se cache dans la chapelle et y attend Spinola. En vain, il lui révèle que le secret fatal est connu de lui, et le presse de lui éviter un parricide en lui laissant l'anneau dont il scelle ses décrets, et en se dérobant par la fuite à la colère des Pisans. Spinola grandit en présence du péril; sa loyauté de soldat lui prescrit de mourir à son poste. Il refuse cette grâce ignominieuse et brave son assassin