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                    FRANÇOIS COPPEE ET SES ŒUVRES                      245

ment à la vaste notion qu'il en possède. Je pourrais, tout aussi bien
qu'un autre, me donner un instant le plaisir de parodier le pathos
amphigourique dont la prose du grand maître ne présente que trop
d'exemples. Je prétends donc que l'Etre en soi est le seul panégyriste
digne de l'homme-poésie. L'infini de la toute-puissance saluant
dans Victor Hugo l'incommensurable indéfini du génie, la sublimité
humaine confessée par l'immensité divine et répondant à l'infini :
« Nous sommes quittes désormais ; » voilà une scène que toutes les
Batailles d'Hernani n'égaleront jamais. Ce qui n'empêche pas que je
lui préfère les fort jolis vers de Coppée.
     Seulement cette victoire sans égale, cette bataille d'Austerlitz du
 romantisme, gagnée le 25 février 1830 par un jeune héros, mérite-
t-elle tant d'éloges, et a-t-elle eu sur les destinées de notre littérature
 l'influence qu'on lui attribue ? Il y a dans l'histoire littéraire, comme
dans l'histoire politique, de grandes dates qui font époque. Seule-
ment la fortune, qui a sa part dans le choix des jours comme dans
 l'issue des batailles, fait attribuer parfois à un assez mince événement
les résultats de grands faits dont il a tout simplement l'honneur
fortuit d'ouvrir la liste. Où étaient en 1830 les tenants du théâtre
classique ? Quels étaient les mortels heureux, arbitres du goût, pos-
sesseurs de l'influence et de la renommée, dont il s'agissait de ren-
verser le trône et d'anéantir le pouvoir ? Je cherche en vain. Je trouve
quelques pâles imitateurs de nos vieilles tragédies. Ce n'était point
le Ninus de Brifaut qui se dressait comme un invincible obstacle.
Les honnêtes essais de Casimir Delavigne renfermaient plus d'une
concession à l'esprit nouveau. Népomucène Lemercier, qui avait eu
de belles inspirations tragiques au début de sa carrière, passait aux
romantiques, en sa qualité de courtisan du succès, et écrivait son
drame de Pinto. Il en était de la citadelle du théâtre classique comme
de la vieille prison de la monarchie absolue. Elle n'était défendue
que par une poignée d'invalides, et on la prit, comme la Bastille,
avec plus de bruit que de gloire, et sans courir de vrais dangers.
  Enfin ce que je cherche surtout, ce sont les résultats de la victoire.
Où est cet art nouveau qui devait remplacer ces tragédies surannées
que Talma avait cependant rajeunies et que la. voix d'une Rachel