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I78                      LA REVUE LYONNAISE

son sonneur, vieux célibataire et vieux soldat. L'embarras, les soins
touchants de ces deux vieillards inhabiles, leur affection que les
difficultés redoublent, tout cela inspire maintes pages dans lesquelles
une sorte de délicatesse mélancolique se mêle à un élément à demi-
comique; et le petit drame touche à la tragédie lorsque la mort leur
enlève cet enfant et les laisse plus seuls, plus mornes que jamais.
Mais toute cette poésie est un peu maladive, moins pourtant que
ne le sont les pages du second poème, Olivier. Pourquoi prétendre
qu'il n'y a nulle rédemption pour l'âme que quelques amours impures
ont flétrie ? Pouquoi soutenir qu'un mot, une intonation, une atti-
tude, créés par le hasard au sein d'une idylle commencée, peuvent
l'anéantir par le seul souvenir fortuit d'un odieux passé. L'innocence,
la vertu, le naïf abandon d'un cœur qui aime sans même s'être rendu
compte de son amour, n'ont-ils donc point assez de force, de bien-
faisante chaleur pour rappeler la vie pure de l'âme et effacer de
fâcheuses images? Tout cela peut être ingénieux, même délicat; on
goûte cette poésie comme certaines liqueurs malsaines qui plaisent
un instant par leur saveur étrange. Mais ce n'est à tout prendre ni
un sentiment vrai, ni une observation juste. C'est une bizarre
casuistique qui aboutit à la conclusion que le héros du poème n'a
jamais vraiment aimé. Les hommes blasés aiment à proclamer leur
impuissance pour se dispenser de l'effort qui pourrait les régénérer.
Le fin observateur qui a si bien analysé, en d'autres pages, les émo-
tions de l'âme humaine sait mieux que personne qu'il fait ici de la
fausse psychologie.
   Les Récits et les Elégies demeurent jusqu'ici l'œuvre capitale parmi
les poésies détachées. Coppée n'y a plus seulement recueilli des
impressions; il y a dessiné des caractères. C'était l'acheminement
naturel à une carrière dramatique qu'il devait être tenté de parcourir.

                                             G.-A.   HEIMRICH.
       {A suivre.')