Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
I7é                      LA REVUE LYONNAISE


                                     III

   J'ai parlé de peinture flamande. Ce fut en effet l'heureuse audace
de cette école qui, à la suite des merveilles qu'avait accumulées la
peinture religieuse du seizième siècle, se mit simplement à regarder
autour d'elle et à représenter tout ce qui lui tombait sous les yeux.
Etre le Mieris ou le Van Ostade de Paris crée un sérieux titre de
gloire. En tout cas je préfère cette manière à celle des premières
poésies de Coppée. Il y a de fort jolies inspirations dans le Reliquaire;
mais c'est un reliquaire tout spécialement ciselé pour être appendu
dans une chambre de garçon ; l'homme plus mûr ne sera nullement
tenté de s'en défaire, la ciselure a de trop jolis détails, mais il l'en-
fermera dans son armoire. Même critique pour les Intimités, dont
quelques-unes sont par trop intimes. C'est dans un autre ordre de
productions que je crois voir se dégager l'avenir du poète. Si les
Contes en Prose, si certains tableaux en vers nous ont révélé l'ingé-
nieux et fin narrateur, d'autres récits d'une plus grande portée nous
montrent en notre conteur le ferme accent tantôt dramatique, tantôt
épique, le même accent, qui, malgré quelques défaillances, fait le
principal attrait de la Légende des siècles de Victor Hugo.
   Tout le monde connaît ou a entendu réciter la Bénédiction de Sarci-
gosse, le Naufragé, la Grève des Forgerons. Quelques récits moins sou-
vent rappelés ont à mes yeux presqu'autant de mérite. La mort du
général Walhubert, tué à Austerlitz dans l'attaque qui décide la vic-
toire, finit comme un chant de Tyrtée, et fait songer à ces tragédies
 « pleines de Mars », comme on disait à Athènes, aux tragédies
qu'écrivait Eschyle sous l'impression du triomphe des Grecs :

            Ce fut à Walhubert d'enlever sa brigade,
            A Walhubert à qui l'Empereur a souri.
            « Eu avant, » commanda le héros. A ce cri,
            D'un effort furieux ses bataillons partirent,
            Et par un feu uourri les Russes répondirent ;
            Et comme Walhubert, joyeux, caracolait,
            Poitrine au vent et sabre à la main, un bouiet
            Le jeta sur le sol, la cuisse fracassée.