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H LA REVUE LYONNAISE déjà habitués dans son bel Essai sur la séparation des pouvoirs, couronné l'an der- nier par l'Institut. M. Saint-Girons n'est pas un homme de parti ; il trouve, comme il le déclare dans sa préface, « son rôle de jurisconsulte a la fois trop beau et trop délicat pour ne pas oublier toutes les querelles, souvent misérables, qui divisent les esprits; » une seule passion le guide : l'amour de la liberté sincère, loyale, complète, de la liberté pour tous ; il n'a qu'un but : la vérité. M. Saint-Girons n'avait pas besoin de faire au lecteur ces déclarations ; le soin qu'il apporte à l'exposition des sys- tèmes qu'il combat, sans chercher à rien diminuer de la force de leurs arguments, est un sûr garant de sa loyauté. Il n'impose pas son opinion, il force le lecteur à se former, par la discussion, une opinion personnelle. Instruit par le souvenir des théoriciens du XVIIP siècle des fautes où entraîne l'esprit d'abstraction, il adopte franchement la méthode expérimentale ; à chaque pas l'histoire et la législation comparée sont mises par lui à contribution et nous font toucher du doigt, par les exemples qu'il en tire, les mérites et les défauts de notre Constitution. Toutes les théories de M. Saint-Girons sont fondées sur le principe que le droit de commander vient, non du peuple, mais de Dieu ; la souveraineté nationale, pour lui, n'est donc pas le droit de commander, mais celui d'être bien commandé, c'est-à -dire de n'être commandé que suivant la justice et l'intérêt national; le droit de n'obéir qu'aux pouvoirs qui trouvent dans la justice et l'utilité de leurs actes une perpétuelle légitimité ; principe éminemment libéral, qui fait, de la souve- raineté du peuple, une garantie permanente contre les empiétements ej les excès du despotisme, les pouvoirs établis cessant d'être légitimes quand ils ne sont plus en union intime avec la nation. Nous ne pouvons suivre l'auteur dans les diverses études qu'il consacre aux pouvoirs de l'État, au principe de leur séparation, à leurs moyens d'influence réciproque; nous signalerons cependant le chapitre : du Gouvernement représentatif, dans lequel, après avoir flétri la théorie qui, faisant des représentants du peuple ses mandataires, les pousse fatalement aux compromissions du mandat impératif, l'auteur expose avec une grande netteté le problème de la représentation des minorités, considérée par lui, et à si juste titre, comme la condition première de l'exercice régulier du pouvoir. J'ai dit plus haut par quels caractères de bonne foi et de sincérité l'ouvrage de M. Saint-Girons s'imposait ; il me suffira de rappeler les qualités brillantes de son style et le tour ingénieux de son esprit, si appréciés de nos lecteurs, pour expli- quer le grand succès qu'il a obtenu, non seulement auprès des étudiants auxquels son Manuel paraissait uniquement destiné, mais auprès de tous les gens qui lisent et qui s'instruisent. G. S.