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                 DEUX THÈSES DE DOCTORAT                   131

 plus importants de nos poètes de transition. Nourri des
 œuvres de Ronsard et de Desportes, et malgré ses attaques
contre Malherbe, il est sur beaucoup de points « le meil-
leur disciple du réformateur dont il s'est outrageusement
moqué. » L'un et l'autre avaient le sentiment profond de la
réalité. Et ici nous touchons à un des principaux mérites
de Régnier. Le nouveau docteur met admirablement en
lumière le talent pittoresque du poète. Ses satires sont une
galerie de petits tableaux flamands. Il excelle dans la pein-
ture des intérieurs. Il sait par dessus tout donner aux types
qu'il esquisse le relief, le mouvement et la vie.
   Il y a dans son Å“uvre une saveur gauloise qui rappelle
 Villon, Marot et les auteurs de nos fabliaux ; mais il les
avait probablement fort peu pratiqués. C'est à travers
Rabelais et l'Arétin que Régnier allait retrouver le vieil
esprit national. Voilà, nous dit M. Vianey, ses deux prin-
cipaux maîtres. Mais nous ne pouvons qu'indiquer en pas-
sant le chapitre d'une si intéressante érudition sur les
sources des Satires de Régnier. Le poète, en effet, imite
beaucoup; mais, en imitant, il rectifie sur la réalité vivante
le modèle littéraire.
   Et maintenant si ses satires morales le sont souvent
assez peu, si les idées générales qu'il y expose ne sont ni
personnelles ni bien neuves, si ses idées littéraires sont
d'un homme « qui n'a pas assez réfléchi sur son art », il
n'en reste pas moins que Régnier a fait effort, et presque
toujours avec succès, pour donner à son vers les qualités de
la prose de Montaigne, pour rendre, par cela même, notre
phrase poétique capable de porter la pensée. Il abonde en
vers vigoureux, sonores et heureusement coupés, en pro-
verbes frappés en médailles.
   Enfin, et surtout, si l'on peut dire avec M. Vianey que