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338                     J.-A..M. DUCLAUX.

primesautière ; il faudrait peut-être plutôt dire simplement qu'il
chérissait la plaisanterie. En effet, il aimait les réparties spiri-
tuelles, et il riait quand on lui faisait quelque bonne charge d'a-
telier. Peu de jour avant sa mort, j'allai le voir chez sa fille, au
coteau de Fontanière ; il me reçut avec joie et me montra un
dessin qu'il voulait achever et qui représentait un paysage du
Bugey ; il m'en expliqua les détails et me fit remarquer un bout
de la rivière d'Ain. Un calembourg jaillit aussitôt de mon cer-
veau et je lui dis : M. Duclaux, je ne savais pas que vous fussiez
charcutier ! — Comment? — Oui, puisque vous faites des bouts
d'Ain. Cette grotesque plaisanterie le fit éclater de rire et il ré-
pétait : « c'est vrai, je suis un charcutier. » Je crois que dans le
monde des hommes positifs et sérieux, le ealembonrg est de
très-mauvais genre, et le mien n'est pas meilleur que les autres,
mais parmi les artistes on le commet encore impunément. J'é-
prouvais une certaine consolation, en infusant ainsi un peu de
gaîté dans l'esprit d'un vieillard dont je prévoyais la fin bien
 prochaine.
    Je n'ai considéré Duclaux qu'au point de vue de l'artiste, mais
je terminerai mes petites notes, en le présentant comme un type
 d'honneur et de probité. Il avait ces vieilles idées d'honnêteté,
 qui commencent à ne plus être beaucoup à la mode, et dans mes
 fréquentes conversations avec lui, quoiqu'il y eût un peu de lé-
 gèreté dans le fond de son caractère, j'ai toujours rencontré
l'homme qui ne savait faire aucune concession aux lois strictes
 de la conscience.
                                       Paul SAINT-OLIVE.